Nos Cœurs Contraires

32. Cesser-le-feu

Now you're a home (feat. Ruuth) - Christian Reindl
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18 novembre 1916, midi et demi

La presse annonce par tous les moyens possibles et imaginables la fin de la bataille de la Somme, en France. Là où j'étais. Néanmoins, d'autres confits éclatent dans le pays et la guerre est bien loin de se terminer... Mais un vif soulagement me submerge : cela veut donc dire que les combats à l'Est d'Amiens vont s'arrêter pour de bon. Un cessez-le-feu local. Peut-être que mes amies reviendront ? J'en doute fortement. Je crains qu'Ambre, la jeune française, ne puisse venir à cause de ses parents bien trop conservateurs. J'ai donc envoyé une lettre à mes camarades il y a peu afin de leur demander des nouvelles et faire part de mes doutes. Et Nikolaus, est-il vivant ? Imaginer notre futur ensemble me fait peur et pourtant, je le souhaite à tout prix.

Pitié qu'il soit encore en vie.

Que le temps passe vite... Cela fait maintenant plus de deux mois que j'ai tout raconté à Noah. La nuit de mes révélations, nous sommes restés éveillés jusqu'au lever du soleil et nous avons parlé de tout et de rien, bercés par la pluie et l'agréable chaleur du feu. Depuis je passe à la boutique tous les jours pour saluer le père de mon ami et lui-même, me tenant ainsi informée des derniers événements. L'état de la mère de Noah se dégrade à une vitesse affolante et mêmes les meilleurs médecins de Londres ne savent pas ce qu'elle a. Mon ami est déboussolé et cherche par tous les moyens de trouver de l'aide ailleurs, en vain : la guerre a réquisitionné la plupart des spécialistes ou ceux-ci se sont enrôlés. Je prie pour que Madame Buchanan, Marina, puisse se rétablir au plus vite.

Quant à Faith, je ne l'ai pas aperçue depuis notre dernière rencontre qui fut mouvementée. Fort heureusement.

Depuis deux mois, tout s'enchaîne : les journaux se nourrissent des moindres informations sur les batailles en France, le bilan s'alourdit jour après jour et l'inquiétude continue d'accroître parmi les populations, se rependant ainsi à travers le monde entier. Et chaque jour, je me bats contre les cauchemars qui me hantent dès lors que mes yeux se ferment. Sans compter mon envie de retourner sur le front aux côtés de mes amies et des soldats qui m'empêche de dormir la nuit. Je lutte sans cesse contre cette pensée aussi dangereuse que courageuse bien que je sois certaine que cette dernière ne se concrétise jamais. Bon sang, on dirait ma mère : toujours déterminée à faire quelque chose de risqué malgré le danger qui rôde. Ça lui a coûté la vie.

Aujourd'hui, le soleil a pointé le bout de son nez et ses rayons timides réchauffent la ville de Londres. Je marche dans les rues dont les pavés glissent à cause d'une fraîche averse et fais attention aux calèches qui descendent les allées. Les fers des chevaux martèlent le sol et effectuent ces bruits métalliques qui me rappellent les armes des soldats. Mon environnement entier me ramène à la guerre, tout, absolument tout. La respiration saccadée et paralysée, je me suis arrêtée en pleine rue et gêne les autres calèches où se trouvent en général des habitants fortunés ou de simples paysans ramenant leur récoltes.

- Mademoiselle ! Vous devriez bouger, me conseille un homme robuste, assit sur un siège à l'avant de la calèche.

Sûrement le propriétaire. Ce dernier est habillé d'une simple camisole blanche sale et d'un pantalon en toile à moitié déchiré. Ses traits fatigués et ses mains pleines de terre m'indiquent qu'il s'agit d'un paysans. Je cligne des yeux et me rends compte que la tête des chevaux sont à quelques centimètres de moi. Leurs souffles chauds et rapides effleurent mon visage et la surprise irradie chacun de mes membres. Yeux dans les yeux, les deux chevaux me fixent et hennissent doucement. Remarquant le long fouet que tient l'homme entre ses mains, j'espère qu'il ne maltraite pas ces équidés...