Nos Cœurs Contraires

7. Hésitations

Another's arms - Coldplay
***

11 juillet 1916, dans la nuit

Je me réveille en sursaut, le souffle court et les idées embrouillées. Toujours allongée sur ce lit de camp peu confortable, je reprends peu à peu mes esprits et me redresse lentement. Le silence est à son comble, la pénombre m'entoure et m'apaise.

Cependant, les battements affolés de mon cœur ne se calment pas. Je regarde autour de moi et aperçois les plusieurs soldats encore en convalescence. Certains sont en meilleur état tandis que d'autres tentent d'ignorer la douleur qui les font souffrir. Tâtant mon front humide, je soupire et me mets debout.

Ajustant mon tablier et mon col Claudine, je balaye la pièce d'un regard attentif afin de repérer les quelques soldats nécessitant de l'aide. Plusieurs de mes collègues s'occupent de certains en silence, cette vision me rassure légèrement, bien que les circonstances soient terribles.

- Willow ? m'appelle Eileen en chuchotant.

Je m'approche d'elle en me frottant les yeux, encore ensommeillée. Mon amie me questionne du regard puis me demande :

- Ce soldat dont tu t'occupes tout le temps, quel est son nom ?

Soudain, une profonde hésitation s'empare de moi. Mes lèvres demeurent scellées, mon corps refuse d'agir. Sous le regard impatient d'Eileen, je m'efforce de paraître impassible et stoïque.

Puis je repense à ce beau brun aux agissements étranges, ayant des yeux émeraude, une mâchoire saillante ainsi que des lèvres rosées et parfaites.

- Blake ?

Je cligne des yeux et reviens aussitôt sur Terre.

- Hum ?

Eileen roule des yeux et pointe le prussien du doigt.

- C'est qui ? insiste-t-elle en haussant les sourcils.

J'avale péniblement ma salive et ignore les battements irréguliers de mon cœur.

- James Donovan Jr, mens-je.

Eileen plisse les yeux, perplexe. Puis elle opine du chef.

- Il devra repartir dans quelques jours, on a besoin de lits.

J'écarquille les yeux, paniquée.

- Quoi ? Mais pourquoi ? lui demandé-je en chuchotant.

Eileen regarde autour d'elle et hausse les épaules.

- Ce n'est pas un réel hôpital, Willow. On est sur le front et les soldats mutilés sont privilégiés. James sera sur pied et repartira au front comme les autres en état de le faire !

Elle a complètement perdu la raison.

J'attrape son avant-bras et l'amène en-dehors de la tente. Une fois éloignées, je la relâche.

- Mais tu hallucines, dis-je en la dévisageant. Sa jambe n'est pas prête à bouger et la plaie sur son crâne ne cicatrise pas aussi vite que je l'espérais ! Ce soldat a besoin de repos et de rééducation !

Eileen soupire et acquiesce silencieusement. Elle ne pipe mot. Et, lorsqu'elle esquisse un rictus, je sais qu'elle admet que j'ai raison.

- Tu tiens à lui, n'est-ce pas ?

Une fois encore, l'hésitation me fait perdre mes moyens. Mon cœur se met à s'affoler dans ma poitrine alors que je repense au toucher de Nikolaus sur ma peau.

Tiens-je réellement à lui au point d'imaginer sa peau douce et tiède contre la mienne ?

- Willow ?