38. CELUI QUI GAFFAIT

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Qu'est-ce qui m'avait pris de lâcher un truc pareil ? Je n'en avais aucune idée. Mais une chose était sûre : à présent, j'avais envie de me téléporter très loin, très vite, dans un pays où personne ne me connaissait et surtout où je pouvais échapper au regard indescriptible de Adel, toujours assis en face de moi. Il ne me répondait pas, et moi j'attendais. Quelque chose. Un sourire. Une grimace. Un mot. Un signe de je ne savais trop quelles divinités de ce bas monde. Mais pendant les dix secondes qui suivirent – les plus longues de toute mon existence – rien ne vint. Et je me sentis très con. Et mal à l'aise. Mes joues se remirent à chauffer. Bon sang, il fallait vraiment que j'apprenne à tourner trois fois ma langue dans ma bouche avant de l'ouvrir. Sérieusement. À ce moment-là, mon portable vibra et nos deux regards bifurquèrent au même moment sur l'objet. 

– Tu devrais répondre, dit-il d'une voix si petite que je cru bien ne pas la reconnaître.

Les messages étaient de Maya, qui se sentait enfin rassurée. De ma mère qui s'excusait encore et encore. Et de Eden qui se sentait soulagé que je n'ai pas passé ma nuit dehors à errer sous la pluie. En voyant son prénom inscrit sur mon écran, je ressentis alors une immense pointe de culpabilité me piquer le cœur. Du coin de l'œil je vis Adel se lever et débarrasser ses affaires dans l'évier, le tout en silence et évitant soigneusement de poser les yeux sur moi. J'avais clairement jeté un froid, alors que l'ambiance au réveil aurait nettement pu être meilleure. Bien joué Louis.

Quand je relevai la tête, Adel avait disparu de mon champ de vision. Un bruit provenant de sa chambre m'indiqua qu'il s'y trouvait, et je laissais derrière moi mon maigre petit déjeuné et mon portable sur la table de la cuisine pour entrer doucement dans la pièce.

– Désolé, je ne voulais pas... te mettre mal à l'aise., chuchotais-je.

Il me lança un drôle de regard, tout en continuant à faire son lit. Je ne sus pas vraiment si je devais y voir de la colère, ou bien une peine immense. C'était compliqué de deviner. Il fit quelques pas, ouvrit ses volets et ses fenêtres pour aérer sa chambre.

– Tu pourrais me parler quand même.

– Pour te dire quoi ? Je cherche mes mots là, tu vois., me lança-t-il.

D'accord. Nous étions aussi coincés l'un que l'autre. Avec ça, nous n'allions pas aller bien loin. Moi qui pensais que, comme hier soir, Adel aurait tout de suite su comment détendre l'atmosphère... Je finis par m'asseoir sur le bord de son lit, sans dire un mot de plus. Je le regardais courir un peu partout dans son petit appartement, pour ranger quelques affaires par-ci, par là. Je savais qu'Adel n'était pas un garçon très ordonné. Et que de ce fait, il faisait tout cela pour combler le trou béant de notre conversation, et oublier ma présence. Je ne pouvais pas le blâmer pour ça, j'aurais agi exactement de la même façon.

Je pris donc mon mal en patience, regardant un peu partout autour de moi cette pièce que je n'avais pas pu bien voir la veille. Cette même pièce que je n'avais encore jamais vue jusqu'à hier soir, parce que son propriétaire n'avait jamais voulu que j'y mette les pieds. Les murs avaient été peint d'une peinture plutôt foncée, assombrissant toute la pièce. Le lit sur lequel j'étais assis était recouvert de draps sobres, d'une montagne de coussin moelleux et doux qui eux, étaient de couleurs plus vives. Son bureau se résumait à une table en bois sombre, et était aussi mal rangé que le mien : les livres de cours, les feuilles de notes et ses autres affaires de cours s'empilaient autour de son ordinateur portable, recouvert d'autocollants d'animes japonais que nous aimions tous les deux. Une armoire est une seule étagère, qui débordait de livres et de mangas divers et variés. Je n'avais pas fait attention la veille, mais il avait accroché un immense poster du film Inception juste à côté. Un de ses films favoris, sans doute. J'étais tellement plongé dans mon observation que je ne le vis pas s'avancer vers moi.

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