06. CELUI QUI RÊVAIT

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Pendant la dizaine de secondes qui suivi, je me sentis très con. Abruti, embarrassé, et j'eus également la terrible envie de prendre mes jambes à mon cou, et de me barrer fissa de cette chambre propre et bien rangée. Eden ouvrit légèrement la bouche, l'air visiblement surpris et leva les sourcils en reposant son stylo. Bon sang ce que tu es mignon quand tu as cet air surpris sur le visage, c'est dingue... Bordel, Louis, reprend toi ! Tu viens de... MAIS MERDE. C'est exactement le genre de question qui met dans l'embarras !

– Euh eh bien...

Non, il n'allait tout de même pas me répondre, si ? Merde, merde, merde. Attends, Louis, tu es bête ou quoi ? C'est toi qui as posé la question. Et il est sympa, il veut y répondre.

– Je n'avais jamais trop été attiré par les filles et heu... un jour j'ai rencontré Adel. Et j'ai compris pourquoi.

Nouveau blanc. Adel, toujours et encore lui. Il avait été important dans sa vie, et l'était encore, ça, c'était difficile de passer à côté.

– Pourquoi cette question ?

Si mes joues n'avaient pas encore viré au rouge, cela n'allait pas tarder. J'avais soudain trop chaud dans cette chambre.

– Par curiosité, j'ai alors répondu du tac au tac.
– Mmmh...

Ok, clairement, je ne l'avais pas convaincu. C'était bien dommage, car c'était tout ce que j'avais en stock. Un sourire étira ses lèvres et il se pencha légèrement en avant.

– Tu te poses des questions ?

Oh bordel.

– Non non...
– Je ne vais pas te juger si c'est le cas tu sais, je serais bien mal placé, fit-il en haussa les sourcils.
– Je sais pas pourquoi j'ai posé cette question, excuse-moi. On peut se remettre au boulot ?

Eden leva les mains comme pour me dire « comme tu veux ! » et histoire de passer à autre chose, je me replongeai dans ce bouquin ultra ennuyeux que j'avais emprunté au CDI. Pourquoi les gens qui écrivaient l'Histoire se sentaient obligés d'employer des tournures de phrase aussi vieillottes et à rallonge ? 

              La mère d'Eden frappa à la porte et j'eus envie de la prendre dans mes bras : je n'en pouvais plus. Eden savait se concentrer et se motiver ; nous avions déjà beaucoup avancé dans notre exposé. Si bien que je n'avais pas vu l'heure tourner. Il était dix-neuf heures trente.

– Louis, tu veux rester pour dîner ?

Avant même que j'eus le temps d'ouvrir la bouche, Eden répondit à ma place.

– Carrément ! Il est ok.

Et je n'avais pas le cœur à le contredire. J'avais l'impression qu'il y tenait.

– C'est très gentil. J'enverrai un message à mes parents.
– Parfait, en bas dans dix minutes alors ?

Eden leva un pouce en l'air.

Outre le fait que monsieur Verdier m'appela deux ou trois fois Adel au début du repas, les parents d'Eden ont tout de suite su me mettre à l'aise. Et croyez-moi, ce n'était pas une tâche facile du tout. Moi le mec coincé qui avait du mal à me sentir à l'aise dès que je sortais de ma bulle, de mon petit confort... Et sur le chemin du retour, je me sentis vraiment bien. Eden n'était pas revenu sur ma question de toute la soirée, ni sur les regards insistants que je lui avais lancés tout du long de notre travail – alors qu'il les avait très bien captés – et pour cela, je lui en étais reconnaissant.

« Alors cet exposé ? »

« C'est comment chez lui ? »

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