75. CEUX QUI GRANDISSAIENT

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Janvier 2022.
Ma mère refusait de me lâcher. Elle pleurait comme une madeleine, sous le regard moqueur de ma sœur. Mon père lui, était bien trop occupé à s'assurer que ma valise arriverait en un seul et même morceau en Corée du Sud. L'hôtesse avait l'air de s'impatienter, aussi, je le tirais doucement en arrière.

– Papa, ça va le faire, vraiment. J'ai tous le nécessaire sur moi, mon ordinateur, mon portable, et une affaire de rechange au cas-où.
– Et ton manteau ! Ton manteau, c'est très important mon chéri ! sanglota ma mère.
– Oui maman, tu vois bien que je le porte sur moi..., ronchonnais-je.
– Oui parce qu'ici il fait froid, mais là-bas...

Un peu plus loin, Maya se marrait silencieusement devant tout ce cirque. Et elle pouvait se marrer, sa mère était absolument terrible lorsqu'il s'agissait de voyage, alors de voir la mienne dans cet état... Il fallait dire, en même temps, que c'était la première fois que je prenais mon envol seul, et surtout, aussi loin.

Hier, j'avais fêté mon départ avec toute la bande, et aujourd'hui, seul Maya et Eden avaient pu se libérer pour venir me dire au revoir. Je voyais bien que ces derniers attendaient que ma mère cesse de pleurer toutes les larmes de son corps pour s'approcher et me prendre dans leurs bras.

– Maman, je ne pars pas pour Valinor* non plus...
– Pour où ? renifla-t-elle. C'est un truc de tes mangas ?
– Oublie, oublie, rigolais-je.

Elle me jeta un regard à demi-outré, mais en même temps, à quoi je m'attendais, elle n'avait jamais été branchée Seigneur des Anneaux. 

– Tu seras prudent, hein ?
– Oui...
– Allez chérie, laisse-le respirer, murmura mon père qui avait enfin abandonné cette histoire de valise qui l'angoissait tant. 

Ma mère lui donna une tape légère sur l'épaule et me laissa enfin respirer. Je savais que mon voyage tout entier était en train de l'angoisser. Pour plusieurs choses : je partais loin, et seul, pour la première fois de ma vie. Ensuite, le tout était une surprise pour, je cite « un garçon avec qui tu n'es plus ! » et ça, ma mère n'avait pas vraiment compris. Alors oui, je pouvais comprendre sa légère appréhension, mais je savais ce que je faisais. Et je n'avais aucune envie de faire demi-tour. Et pour couronner le tout, elle s'en faisait pour ma vie là-bas. Mais une fois de plus, j'avais parfaitement tout orchestré. Enfin, presque. Mais le gros était planifié, pour le reste, j'allais voir là-bas. 

– Prend soin de toi frangin !

Ma sœur me serra brièvement dans ses bras. Sacha n'avait jamais été friande des au revoir, elle aimait faire vite. Tout comme moi. Et puis ce n'était pas comme si nous n'allions plus jamais nous revoir. Enfin, Maya et Eden purent venir vers moi. Sans grande surprise, Maya me passa une main dans mes cheveux avant de me coller une bise sur la joue.

– Tu seras sage hein ? rigolais-je.
– Ouais ouais !
– Essaye de ne pas tuer Eve.
– Ne t'en fais pas, Eden et Simon seront là pour m'en dissuader., répondit-elle.
– Au fait... J'ai besoin de savoir un truc.
– Quoi donc ?
– Tu savais ce qui allait se passer en octobre dernier ?
– Son départ ? C'était couru d'avance. Que vous alliez vous rabibocher, mais ne rien dire à personne, et ne pas vous afficher ? La même. Ton départ ? La même.  
– Pardon ?
– Je rigoles Louis ! Je ne suis pas devin non plus !

L'espace d'un instant, je me sentis soulagé. Elle commençait à me faire peur avec ses histoires aussi.


– Mais fais moi plaisir, et soulage toi dans le même temps, ouvre cette lettre qui est dans ton sac.
– Comment tu sais que...
– Je sais tout ! Ne cherche pas plus loin !

ÉCLIPSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant