09. CELUI QUI ÉTAIT NUL EN GYM

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   Ok. J'allais être honnête avec vous, je passai au moins deux heures de ma nuit sur le profil de ce gars. Il avait accepté ma demande dans l'heure qui a suivi. Sans doute devait-il se souvenir de moi, à la fête de Clara. C'était plus fort que moi, il fallait que j'en sache le plus possible sur lui. Cette curiosité était humaine, que voulez-vous... Alors pour vous faire un rapide résumé... Le profil de Adel était assez sobre. Pas de descriptions de dix kilomètres avec des citations fumeuses et des émojis à chaque début et fin de phrase. Pas de description sur ses études, sa vie, ses voyages, ses passions ou que sais-je. Juste son prénom écrit en gras et sans majuscule (pour se donner un genre, peut-être?) : « adel. » et un petit arc-en-ciel à côté. Voilà.

Les photos étaient essentiellement des photos de paysages, de voyages qu'il avait dû faire. Évidemment que je retrouvais des photos d'amis, de potes, même une ou deux soirées. Il n'aimait pas tant que ça étaler sa vie privée, et cela, je le comprenais parfaitement. Mais ce qui m'intéressait le plus, c'était les photos d'Eden. Il y en avait, évidemment. Eden qui posait seul à Paris, où dans un autre coin de France que je ne connaissais pas. Eden avait un sourire parfait, toujours la bonne tenue et même si la photo avait l'air prise sur le vif, elle rendait bien avec lui dessus. Il faisait un bon modèle. Je m'attendais à voir un tas de photo de tous les deux, mais fus surpris de n'en trouver qu'une ou deux. 

Et là, la gaffe. Mon doigt passa au-dessus du bouton « j'aime » et... La suite fut inévitable. D'accord, cette photo était belle. Mais mince quoi. J'hésitai deux secondes à retirer mon « j'aime » mais... pour qui j'allais passer ? Il allait forcément le voir, non ? Que j'avais aimé et puis finalement, que mon pseudo n'apparaissait pas dans la liste... J'étais le pire des boulets. 

* * * 

                 Le lendemain nous commencions la journée par un cours de sport, en intérieur. En tout, nous avions quatre heures : deux en début de semaine, réservées aux sports d'extérieur et deux en fin de semaine, où généralement nous étions en salle à pratiquer des sports qui me sortaient par les trous de nez. Entendez- moi bien : Je. N'aimais. Pas. (et n'aimerais jamais) La. Gymnastique. Voilà, c'était dit. Et malheureusement pour moi – même si nous avions le choix entre nous ridiculiser par terre à faire des roulades ou faire le beau sur des barres pour ensuite se faire mal aux bijoux de famille – la gymnastique, mon professeur en était féru et c'était le sport de ce premier trimestre. 

Ce que je n'aimais vraiment pas dans les sports de gymnase, c'était que toute ma classe se sentait presque obligée de regarder le pauvre malheureux qui faisait son exercice sous l'œil attentif de notre prof. Et ce pauvre malheureux aujourd'hui, c'était moi. Bordel, pourquoi j'ai pris les barres asymétriques moi, pourquoi !! Les filles s'étaient agglutinées dans un coin de la salle, pour elles, je ne m'en faisais pas. Pendant que le professeur avait le dos tourné et qu'il examinait mon (triste) cas, elles papotaient entre elles, grimpaient de temps à autre sur une poutre pour faire mine qu'elles bossaient, elles, ou esquissaient quelques roulades agiles. Les mecs, c'était autre chose. Quand Blaise passait sur un agrès (une machine de la mort oui...), tous ses potes étaient là, à l'encourager, à faire des bruits de mecs virils ou je ne sais quoi. Quand c'était quelqu'un d'autre, ils regardaient juste par curiosité. Quand c'était moi, ils attendaient la chute. Parce que, oui, je m'étais déjà cassé la gueule un bon millier de fois en gymnastique et à chaque fois (dixit Maya), j'avais été très drôle à regarder. 

Et aujourd'hui, je n'échappais pas à la règle. Voulant exécuter une figure (dont je me foutais éperdument du nom) je m'étalai de tout mon long, après un magnifique vol plané – dû à mon trop-plein d'élan sur les barres. Les gars qui avaient rigolé m'aidèrent à me relever en me félicitant, moi, le champion des barres asymétriques, et le professeur passa à l'élève suivant. Je crus même l'entendre soupirer un truc du genre « totalement irrécupérable celui-là... » et je rougis.

ÉCLIPSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant