Adel marchait vers moi, le visage lumineux, ses cheveux châtains clairs ramenés légèrement en arrière. Mon cœur battait plus fort à chaque mètre qu'il franchissait pour venir vers moi. Allais-je regretter de l'avoir fait venir ici ? Je n'allais plus tarder à le savoir. Il ajusta le sac à dos qu'il portait sur ses épaules et se planta devant moi, levant le nez en l'air, regardant un peu partout autour de nous. J'aimais bien venir ici, près du grand théâtre. À cette période de l'année, la chaleur n'était plus vraiment supportable, trouver de l'ombre en centre-ville était une mission parfois impossible, et un côté des marches de cet illustre bâtiment nous offrait une oasis de fraîcheur que nous ne pouvions refuser.
Comment en étais-je arrivé là ? Je ne le savais pas trop bien moi-même. Hier soir, nous nous étions téléphoné et puis, je m'étais excusé à propos de l'autre jour. J'avais bafouillé quelques mots en m'emmêlant les pinceaux, comme je savais si bien le faire, et je l'avais même tendu soupiré, visiblement las de mon comportement. Mais j'avais tenu à le faire, poussé par le message que j'avais reçu d'Eden. Et parce que je me sentais mal vis-à-vis de lui. Puis, dans ma lancée, je lui avais proposé une sortie. À ce moment-là, j'avais voulu rembobiner cet échange, je m'étais violemment mordu la langue. Il avait hésité, comme s'il avait été surpris, avant d'accepter. Et nous y étions.
Au final, je m'étais dit qu'il valait mieux que les choses se déroulent ainsi. J'avais encore le message d'Eden en tête, et je n'avais aucune envie d'en recevoir un autre, plus sec, m'apprenant qu'Adel me détestait et ne voulait plus me parler. En posant moi-même le rendez-vous, je ne me défilerais pas, et mieux, je ne risquais pas de croiser Adel en ville par pur hasard, vivant alors un moment de malaise intense.
Il souriait, comme un gosse, et je lui tendis une main qu'il s'empressa de serrer aussitôt. Finalement, ce n'était pas si compliqué. Je n'avais plus qu'à chasser mon malaise, et à sourire.
– Je commençais à me dire que tu allais me fuir toute ta vie !
– Quand même pas..., bougonnais-je.Adel haussa les épaules et prit place à mes côtés, et attrapa une paire de lunette de soleil dans son sac, avant de me les tendre.
– Je vois que tu oublies toujours les tiennes...
Avec un sourire gêné, je m'en saisis, avant de les poser sur le bout de mon nez. J'avais beau avoir des yeux fragiles, j'oubliais en permanence cette foutue paire de lunette solaire posée sur mon bureau. Cela faisait beaucoup rire Adel – qui avait des yeux bien plus résistants que les miens – qui avait alors pris le plis d'emmener ses propres lunettes en permanence quand nous sortions ensemble un jour un peu trop ensoleillé.
– Plus sérieusement Louis, je sais pourquoi tu fais ça.
– Ah ?
– Tu penses que je t'en veux toujours, c'est ça ?Je ne répondis pas. Évidemment qu'il s'en doutait. Évidemment qu'il avait vu juste, une nouvelle fois. Le problème n'était pas que nous n'étions plus ensemble. Le problème était que j'avais une peur bleue de ce qu'il pouvait penser de moi, de ce qu'il avait pensé de moi au moment où j'avais décrété que tout était terminé. J'avais fait taire ce sentiment de culpabilité quelques temps après notre séparation, et il était revenu malgré moi à son retour en France. Je l'avais ignoré, dans un premier temps, avant de comprendre qu'il était complètement en train de me bouffer.
– Je ne t'en veux pas, ok ? Louis, ça fait des mois. Je suis passé à autre chose. Et puis, crois moi, je t'ai suffisamment maudit et insulté là-bas, je n'ai plus l'énergie, ni l'envie de le faire.
Il avait le mérite d'être franc, comme toujours.
– Je n'avais pas envie d'être mal à l'aise., lâchais-je.
– Comment ça ?
– Tu sais comment je suis... Le regard des autres m'importe toujours autant.
– Me fuir n'était pas vraiment une bonne solution.
– Je sais. Je suis désolé, vraiment.
– Et tu es entouré de gens compréhensifs, tu sais ? Ils ne vont pas nous regarder avec peine ou je ne sais pas quoi si on se retrouve tous les deux dans la même pièce, tu le sais ça, non ?
– Ouais...
– Louis, sérieusement, j'ai pas envie de te perdre. Ça me fait chier que tu penses ça de moi. Je suis souvent très con, mais tu sais, j'ai réalisé que notre relation te pesait vraiment, et que tu avais réfléchi. Beaucoup auraient laissé traîner, n'aurait rien dit, serait même juste allés voir ailleurs, mais pas toi. Tu as eu le courage de choisir ce qui te convenait le mieux. Et j'avoue que si au départ, je t'ai insulté de tous les noms, en évitant d'y inclure ta mère naturellement, j'ai fini par me faire une raison. Je mentirais en disant que tu ne m'as pas manqué, en te disant que je ne suis pas triste, mais... C'est la vie, non ?
– Rien arrive jamais par hasard, c'est ce que tu disais souvent à Eden, non ?
– Ouais. Je suis partisan du fait que toutes les rencontres que nous faisons dans une vie nous apportent quelque chose. Tu m'as apporté beaucoup Louis, et t'as intérêt à continuer parce que je ne veux pas te perdre.
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ÉCLIPSE
Teen Fiction❝ Cette année, j'y allais à reculons. Maya était partie. Elle me laissait seul avec eux. Les autres. Les autres avec qui je n'avais jamais su m'adapter. Les autres avec qui je n'avais jamais su être moi même. Et puis, il est arrivé. Avec son sourire...