La soirée avait pourtant bien commencé. Avant de se terminer en eau de boudin.
Maya criait dans tous les sens. Ou devrais-je dire, Maya essayait de chanter, mais sa voix était cassée depuis deux jours, et la prestation qu'elle nous offrait était plus proche d'un gros massacre musical qu'une interprétation brillante. Inès se bouchait les oreilles, pleurant à moitié de frustration en entendant notre colocataire massacrer l'une de ses chansons favorite. Mais Maya, elle n'en avait pas grand chose à faire : elle battait ses œufs en s'arrachant les cordes vocales, sans penser à nos pauvres tympans. D'un geste de la tête, Inès me fit signe qu'elle allait s'affairer au rangement de notre salon, et je la suivis sans rechigner. Je pris soin de refermer la porte de la cuisine, laissant Maya seul avec sa cuillère en bois, ses œufs, et son enceinte que l'on entendait à peine.
– Mon dieu, quelle horreur...
– À qui le dis tu... je crois que je suis devenu sourd d'une oreille.J'avais réellement une oreille bouchée, je n'exagérais rien.
– J'ai hâte qu'ils arrivent, qu'elle la ferme pour de bon...
– Parce que tu crois que la présence des gars va l'arrêter ?Inès me lança un regard presque apeuré, et je mis à rire dans ma barbe inexistante en voyant son visage se décomposer.
Inès avait changé – encore – de coupe de cheveux ce mois-ci. Ses cheveux, qui avaient repoussé, formaient désormais un carré court impeccable. Elle avait elle même coupé sa frange, très courte au-dessus des sourcils, et si ce genre de coupe ne retenait pas franchement mon attention en temps normal, je devais bien avouer que là, j'étais bluffé. Cela était peut-être dû aux cheveux d'un bleu foncé qu'elle arborait. C'était Eden qui lui avait fait sa coloration, et je me souvenais encore de son stress intense quand il avait commencé à lui appliquer les produits sur les cheveux. Si tu deviens chauve... ça sera de ma faute, oh mon dieu... Et Inès avait ri, en disant que cela était de toute façon une fatalité pour les femmes de sa famille. Et Eden était devenu encore plus blême. Maya avait été présente ce jour là, et en bonne amie, elle avait évidemment tenu à donner ses conseils. Maya voulait que Inès ait les cheveux orange vif, ce que cette dernière avait refusé catégoriquement. Je ne vais pas ressembler à une citrouille pour tes beaux yeux !, avait-elle dit en râlant. Finalement, Maya s'était battu pour sa couleur citrouille, et Inès avait désormais une mèche orange solitaire à l'avant dans ses cheveux. Croyez le ou non, le mélange était absurde, mais rendait étrangement bien. Évidement, Maya avait clamé qu'elle était un génie coloriste en devenir, et tout le monde avait soufflé par le nez.
– J'ai fini mes gâteaux !, beugla ma meilleure amie en sortant de la cuisine.
– À la bonne heure !
– Vous faites quoi ?
– On range.
– On te fuit.Je donnais un coup de coude à Inès, qui n'avait pas été très synchronisée avec moi. Dans quelques minutes, Simon, Adel et Eden qui avaient pu se libérer pour ce soir, allaient arriver et notre petit nid douillet était fin prêt. Je filais prendre une douche rapide, puis me changer pour le débarrasser de ce tee-shirt sentant bien trop fort après mon après-midi à suer dedans. Inès et Maya m'imitèrent, et peu de temps après, le premier coup de sonnette retentit dans l'appartement. Ce fut Maya qui se rua sur la porte pour ouvrir, et Eden qui apparut le premier. Aussitôt, son expression faciale m'intrigua, et quand il s'avança vers moi pour me saluer, je ne pus m'empêcher de lui demander si tout allait bien.
– Mmh, ouais ouais.
En langage Eden, non, ça n'allait pas.
– Isaac va bien ?, demanda Inès, tout sourire.
– Je pense.Oh bon sang. J'eus une subite envie de m'enterrer très loin d'ici. Car maintenant, je comprenais, il ne m'avait pas fallu longtemps, la cause de ce visage empli de tristesse. Eden continua, sur un air morne qui ne lui ressemblait pas.
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ÉCLIPSE
Teen Fiction❝ Cette année, j'y allais à reculons. Maya était partie. Elle me laissait seul avec eux. Les autres. Les autres avec qui je n'avais jamais su m'adapter. Les autres avec qui je n'avais jamais su être moi même. Et puis, il est arrivé. Avec son sourire...