70. CEUX QUI ALLAIENT AU PAYS DES RÊVES

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– Tu me ramèneras une peluche ?
– Je te l'ai déjà dit Sacha, bien sûr que oui...

Ma petite sœur me tira la manche, et me força à la regarder droit dans les yeux.

– Une peluche de...
– Une peluche de polochon.
– Exactement ! Pas un autre ! Lui et seulement lui !
– D'accord, d'accord...

Sacha se cramponna encore un peu à moi, et ajouta, toujours en souriant :

– Et n'oublie pas de prendre des photos avec ton bel appareil. Des tonnes de photo.
– Oui cheffe, j'y penserais !

Visiblement satisfaite de mes réponses, elle me lâcha enfin et retourna dans la lecture de son pavé qu'elle avait acheté la veille sans rien me demander de plus. Je terminais donc de faire mon sac pour les trois jours que j'allais passer dans le nord de notre cher pays, au pays des rêves comme aimait le surnommer Maya. Ma meilleure amie était tellement enjouée pour mon séjour au parc d'attraction qu'elle m'avait aussitôt dédouanée de tous remords concernant mon choix de compagnon de voyage. D'ailleurs, elle semblait un peu trop enjoué à l'idée que je m'y rende avec Adel, mais je mettais cela sur le compte de ses paris farfelus qu'elle faisait avec Simon.

J'avisais désormais le sac que j'avais sous les yeux, en m'assurant de ne rien avoir oublié. J'étais le roi en ce qui concernait l'oubli d'affaires essentielles comme une brosse à dent, un bas de pyjama ou bien des médicaments pour la tête. Cette fois-ci, je voulais être sûr de ne rien oublier. Mon père passa sa tête à travers l'encadrement de ma porte de chambre, un sourire aux lèvres, et me désigna mon sac de voyage d'un signe du menton. 

– Tu es prêt ?
– Ouais, je crois que j'ai tout !

Il s'avança à petit pas dans ma chambre, et je compris immédiatement qu'il n'allait pas s'arrêter à un simple « ton sac est prêt ? ». La tête qu'avait mon père en ce moment était la tête de mon père qui voulait avoir une petite discussion père-fils avant mon départ. Et dans ces moments-là, je ne savais jamais comment trop me comporter, et pour cause ; mon père était parfois surprenant dans ses discours. Je le regardais donc s'asseoir sur mon lit, et tapoter la place à côté de lui pour que je vienne à ses côtés. 

– Qu'est-ce qui se passe ?
– J'ai vu tes papiers sur ton bureau, pour l'an prochain et... Je n'ai pas pu m'empêcher de me poser des questions, tu veux en parler ?
– C'est pour mes études.
– Je le sais ça, Louis. Je voudrais savoir ce que tu comptes faire exactement. Tu n'as tenu au courant ni ta mère, ni moi. 

Je tortillais mes doigts, un peu mal à l'aise.

– C'est que... Je n'étais pas vraiment sûr et...
– Louis, tu serais très bien que ni ta mère ni moi ne nous opposerions à un tel projet, d'accord ? Mais ne nous tient pas à l'écart. Je voudrais que nous en parlions à ton retour de Paris, d'accord ?
– Oui papa.

Je ressemblais à un gosse que l'on venait de punir, et mon père soupira, avant de me tapoter les épaules.

– Ce n'était pas un reproche Louis. Je voudrais juste que tu t'ouvres parfois un peu à tes parents. 

Je hochais de la tête, et le sentis sourire à côté de moi. Pour le moment, j'avais seulement tenu Eden au courant de mes projets pour l'année prochaine... Il était peut-être temps de faire entrer d'autres facteurs en jeu. 

* * *



Confortablement assis dans le train, je regardais les paysages défiler à vitesse grand V sous mes yeux. À côté de moi, Adel dormait, les yeux mi-clos, la bouche entrouverte. Au rythme des légères secousses, il s'agitait, marmonnait parfois, ce qui me confirmait qu'il était dans un sommeil profond, et bien loin d'en sortir. Sa tête reposait sur l'une de mes épaules, et bien que ma position était loin d'être adéquate, je le laissais ainsi. Je n'avais pas envie de troubler son sommeil, surtout que son air fatigué à la gare saint-jean ne m'avait pas échappé au moment de notre départ.

Mon portable entre les mains, je montais un peu plus fort le son de ma musique, et attrapai en suivant mon livre de poche du moment. En réalité, c'était ma sœur qui me l'avait glissé dans le sac. Et quelle mauvaise idée de lui avoir demandé un de ses livres de poche pour m'occuper pendant le trajet ! J'avais l'impression qu'elle s'était bien moquée de moi, une nouvelle fois. Sans déconner... Sacha... La couverture ne me disait rien qui vaille, et même si l'on m'avait toujours répété de ne pas juger un livre à sa couverture, je me permettais d'émettre quelques réserves concernant cette dernière. L'homme à moitié torse-nu dessus, la pleine lune mal découpée sur un fond stellaire plus que douteux... Sérieusement ? Je ne m'étais même pas risqué à lire le résumé. Adel avait ricané en voyant ça dans mon sac quand nous nous étions installé.

Je soupirai, et regardai la première page du roman en question. Écrit avec les pieds. Mais j'étais un garçon curieux, et je me demandais ce que ma sœur pouvait bien trouver à cette saga dont elle possédait une dizaine de tomes dans sa bibliothèque.

– Tu arrives vraiment à lire ce truc ?

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