Azilis
J'ai senti les bras de Tiago qui me soulevaient du sol, sur lequel je m'étais recroquevillée, secouée de sanglots.
Et puis après plus rien. Le trou noir.
Enfin, pas si noir que ça. J'aurais effectivement préféré ne penser à rien, que mon esprit cesse de ressasser le passé, mais je n'ai pas eu le choix. Mon corps, quant à lui, ce traître, est tout ankylosé. Il ne me répond plus, je ne commande plus rien. Mon esprit et mon corps ne se reconnaissent plus. Je n'ai jamais rien ressenti de si flippant de toute ma vie. Je suis comme prisonnière de mon propre corps. Est-ce que l'on ressent lorsque l'on est plongé dans le coma ? Il faudra que je pose la question à Tiago, dès que j'aurais retrouvé toutes mes fonctions.
Je revis, encore et encore, cette même journée de terreur. Ils sont tous là, ils sont tous si proches de moi. Une peur viscérale me fait trembler, enfin je pense. Je n'ai aucune conscience de mon corps. Aucune conscience du temps qui passe. De temps en temps, la douce voix chantante de Tiago perce le voile sombre qui m'enveloppe. J'ai envie de lui répondre, d'aller vers lui, qu'il me sorte de là. Pourtant je ne fais rien. Je reste figée, incapable d'ouvrir les yeux, incapable de faire un geste ou de prononcer un seul mot.
Je suis dans un gouffre sans fond, l'obscurité me fait suffoquer et me plonge encore plus loin. Je ne suis pas inconsciente, j'aurais mille fois préféré. Je suis consciente de ma dérive, consciente que je me noie dans ce monde sombre, de ces souvenirs qui m'asphyxient. Seule la voix de Tiago m'envoie quelques faibles rayons de lumière. Je mets toute ma volonté pour me raccrocher à la faible lueur qu'il m'apporte. Elle s'éloigne souvent et réapparaît comme par enchantement, chaque fois plus forte, plus vive, me hissant tant bien que mal à la surface, au fur et à mesure de ses apparitions.
Progressivement, je reprends notion de mon corps. Je suis sur ses genoux, dans ses bras, incapable de me souvenirs de ce qui m'a mis dans cet état. Je sais seulement que j'ai paniqué, j'étais terrorisée. Je le suis toujours, même si le fait que Tiago me berce m'apaise légèrement. Il est doux, patient et je lui en suis infiniment reconnaissante. Ma respiration se fait de plus en plus profonde, mes larmes ont cessé de se déverser inlassablement sur mon tee-shirt, trempé. J'entends la douce voix de Tiago qui me réconforte.
— Je suis là, ma belle. Rien ne peut t'arriver. Je veille sur toi. Ça va aller.
— Merci.
C'est la seule chose que je peux lui dire, ne me sentant pas encore capable de soutenir une conversation. Je reste longtemps prostrée sur ses genoux, des heures peut-être, j'ai perdu la notion du temps. Je vois que la pièce est sombre, la nuit est tombée doucement autour de nous. J'ai donc passé la journée ainsi, à me faire bercer comme une petite fille, comme une enfant fragile dont il devait prendre soin. Ce constat me ramène peu à peu à la réalité. Je me redresse légèrement et croise le regard de Tiago dans lequel règne une profonde angoisse. Comment a-t-il pu passer toute une journée à me serrer contre lui, sans bouger ?
— Ça va mieux ma belle ?
Ses yeux, habituellement sombres, sont encore plus noirs. Je ne me souviens pas avoir déjà vu un regard si trouble et profond. L'inquiétude et la tristesse s'y lisent facilement. A-t-il pitié de moi ? Comme d'habitude, mes pensées fusent de toutes parts, incapable de se concentrer sur le plus important. Lui. Tiago, qui m'a veillée pendant des heures.
Ma voix, encore faible, peine à franchir la barrière de mes lèvres. J'ai l'impression de ne pas avoir parlé depuis des jours, non quelques heures. Ma gorge est seiche, et ma voix est différente. Je ne la reconnais pas.
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Inaccessible Bretonne Tome 2 (Terminé)
Romance« Je ne veux plus jamais tomber amoureuse, c'est fini. Mon cœur est mort à l'intérieur. Des années que je suis devenue insensible et ça me va très bien comme ça. » Voilà où en sont les résolutions d'Azilis. Mais c'était sans compter sans ce mystérie...