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Azilis

Le regard scrutant mon visage, Tiago cherche un moyen de me poser cette question, laquelle, je le sais, sera perspicace et dont la réponse me sera fort difficile. Cependant, je lui laisse le temps de trouver les mots qui lui serviront à exprimer cette interrogation. Profitant de ce moment de réflexion, je rive mon regard à ses yeux sombres, illuminés par le feu de camp qui brûle à nos pieds. L'hésitation, l'inquiétude, mais aussi un soupçon de peur se lisent au fond de ses prunelles. Son souhait le plus cher serait de me préserver, cependant il a tant d'interrogations me concernant qu'il ne peut que réclamer des réponses. Après une profonde inspiration, le regard incertain, les mots passent enfin ses lèvres.

— Azilis, je voulais savoir...

— Oui ? je l'encourage.

— J'ai du mal à trouver les mots. C'est si difficile... je me lance... Pourquoi ne pourras-tu jamais m'aimer ?

— Ah...

Je savais que sa question serait délicate, que ma réponse serait pénible, mais je ne m'attendais pas à celle-ci. Mon cœur s'emballe, ses battements s'accélèrent sans que je ne puisse rien y faire. Mon souffle se fait plus court et mon corps tremble légèrement, assez pour que Tiago s'en aperçoive. Il resserre son étreinte autour de mes épaules, caresse à nouveau mon bras, tentant désespérément de m'apaiser.

— Calme-toi ma belle. Ça va aller. Ne réponds pas à la question si elle te dérange tant. Je ne pensais pas te bouleverser.

Je ne lui réponds pas, les mots sont bloqués au fond de ma gorge, refusant de sortir. Son regard doux, inquiet, ne me quitte pas une seconde. Une agréable sensation m'envahit, comme si on me berçait. Effectivement, Tiago, tout doucement, bouge son corps d'un côté puis de l'autre, de quelques centimètres, entraînant le mien avec le sien. Il me berce tendrement. Comment se fait-il que ce garçon, cet homme, soit toujours aussi prévenant ? Je n'ai rien fait pour mériter de pareilles attentions, bien au contraire. Je lui ai fait tant de mal qu'il ne devrait même plus m'adresser la parole. Pourtant il est là, me berçant, s'inquiétant pour moi, ayant peur de m'avoir blessée. Je ne le mérite vraiment pas.

Je recouvre peu à peu mes esprits, nos regards toujours rivés l'un à l'autre. Comment puis-je me comporter ainsi ? Surtout avec lui qui n'est que gentillesse, compassion, douceur, tendresse et certainement plus encore. Comment lui expliquer que je ne pourrais jamais aimer quelqu'un tout simplement parce que j'en suis incapable ? Peu à peu, ma respiration se fait plus calme, les battements de mon cœur s'apaisent à leur tour. Seul Tiago est capable d'un tel prodige. Mais pourquoi ? Je dois arrêter de me poser des questions et trouver une réponse à celle que Tiago m'a posée, ce serait plus judicieux.

Ce qu'il me demande n'est pas évident, puisque la réponse est en rapport avec mes cauchemars, sujet que je ne souhaite surtout pas aborder. Tiago me sort de mes réflexions en m'adressant la parole.

— Azilis, ça va ?

Non, ça ne va pas. Comment ça pourrait aller ? Je suis dans les bras d'un homme qui me fait ressentir des choses que j'avais crues évanouies, refoulées au plus profond de moi et qui ne devaient plus jamais ressurgir. Mais je ne peux pas dévoiler tout cela à Tiago. Je me contente donc d'une semi-vérité.

— Oui, ça va mieux, merci, je lui réponds, reconnaissante de toute sa compassion.

Il est vrai qu'être si proche de lui me rassure en un certain sens. Il réussit, a bon coup de patiente et de douceur à m'apaiser. Ce, comme personne n'a su le faire depuis des années. Pas même mon frère. C'est un étrange sentiment. Indéfinissable en fait. Tiago me sort de mes pensées, une fois de plus.

Inaccessible Bretonne Tome 2 (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant