Inaccessible Bretonne Tome 2 (Terminé)

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Azilis

Bientôt une heure que je suis enfermée dans ma chambre. Tiago s'est réfugié dans la cuisine ou le salon pour lire la plus sordide histoire de ma vie. Que va-t-il penser de moi à présent ? Certainement qu'il me catégorisera de fille facile. Après tout, je n'étais pas prête à coucher avec un garçon, mais j'ai tout de même accepté les avances de Yanis. Je ne peux blâmer quelqu'un d'autre de ce qu'il s'est passé dans ce squat, tout est entièrement ma faute. Je suis la seule responsable de ce qu'il m'est arrivé. Ma mère avait raison, même si je n'ai jamais voulu l'admettre devant elle.

Pourtant, la culpabilité ne m'a jamais quittée. Elle a fait de moi ce que je suis aujourd'hui. Ou plutôt ce que j'étais avant que Tiago entre dans ma vie et démolisse le mur que j'avais si soigneusement érigé autour de mon cœur meurtri. Avant qu'il me prouve que ce cœur, mon cœur, n'était pas mort. Qu'il pouvait encore ressentir. Et avec lui, j'ai ressenti bien plus que ce dont je me croyais capable. De l'attachement pour commencer, puis de la jalousie, ensuite un manque insupportable lorsqu'il m'a quittée et une joie immense lorsque je l'ai retrouvé. Et enfin, non pas le moindre, l'amour.

Parce que oui, soyons honnête, j'aime Tiago. Je suis amoureuse de lui et chaque jour ce sentiment que je pensais à son paroxysme, s'amplifie encore. Jamais je n'aurais pensé que l'on pouvait aimer autant, si fort, si intensément. Un amour si puissant qu'il m'apaise et me terrifie tout à la fois. La voix de Tiago ou encore son regard débordant d'amour - parce que oui, l'amour se lit dans les yeux de l'homme qui vous aime – me réchauffent le cœur et me rendent heureuse. Ce sentiment de sécurité que lui seul peut m'apporter s'atténue dès qu'il s'éloigne de moi. L'anxiété survient alors. Cette crainte qu'il me quitte, qu'il comprenne enfin ce que j'ai fait et me rejette.

C'est cette frayeur qui domine actuellement mon corps et mon esprit. Si Tiago ne me pardonnait pas ? S'il ne voulait plus jamais entendre parler de moi. J'en mourrais, je ne peux plus vivre sans lui. Reprendrais-je ma vie de débauche pour oublier ? Cette attente est bien trop longue, il a eu bien assez de temps pour lire ce que j'ai écrit. Pourquoi ne vient-il pas me retrouver ? Et s'il était parti, sans me prévenir ? Non, il ne m'aurait pas fait ça.

Mais il l'a déjà fait, ce ne serait pas une première, me susurre cette petite voix que je ne veux surtout pas entendre. Pas maintenant.

Je tends l'oreille, espérant entendre un bruit de pas, ou n'importe quoi d'autre qui me confirmerait qu'il est toujours présent dans l'appartement. Mais rien. Pas un seul bruit ne me parvient. Il est parti. Non, c'est impossible. Ne supportant plus ces doutes, je cesse de tergiverser et sors de ma chambre. Je vais vérifier de mes propres yeux.

Je franchis le seuil de ma porte de chambre et marche d'un pas lent dans le couloir de mon appartement toujours aussi silencieux. En entrant dans le salon, je constate qu'il n'y a aucune trace de Tiago. Mon cœur se serre un peu plus à chacun de mes pas. Plus j'avance dans l'appartement et plus je suis persuadée qu'il s'est enfui. Il m'aura au moins épargné d'entendre tous ses reproches, mais ce n'en est pas moins douloureux.

Je suis déjà en train d'imaginer ce que sera ma vie sans lui pour la partager. Dans ma vie, il y a toujours eu un « avant » et un « après ». Avant ma rencontre avec Yanis, j'étais heureuse, pleine de vie et toujours souriante. En gros, je voyais toujours la vie du bon côté. Après Yanis, ce fut une longue et terrible dégringolade. Je me suis retrouvée au fond du trou, tellement profond qu'en tentant vainement de remonter à la surface, j'ai laissé des bouts de moi derrière moi.

Puis, j'ai appris à anesthésier les émotions que je pouvais ressentir. J'ai construit un mur autour de mon cœur, ce mur que je pensais infranchissable, impénétrable. Mais ça, c'était sans compter sur la ténacité d'un beau Tzigane. Tiago a su, ne me demandez pas comment, j'en sais foutre rien, mais il a su quoi faire pour m'atteindre. Peut-être n'a-t-il rien fait, excepté être lui. Celui dont j'avais si désespérément besoin sans même le savoir.