4. 1917 (Peter)

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21 mars 1917

     Comment ça « espion » ? De toute ma carrière, jamais personne n'a pu découvrir mon double jeu, alors comment ces prisonniers ont pu directement deviner ce que je suis ? Je fronce les sourcils, essayant de paraître perdu. Ils me regardent tous les trois avec une lueur étrange au fond de leurs yeux. Autant la faire disparaître immédiatement, elle me semble trop dangereuse :

« -Un espion ? Moi ? Impossible, je parle autant qu'une commère, alors co-...

-On ne nous la fait pas à nous, gamin, me coupe le plus vieux, reconnaissable à sa voix rauque et à ses cheveux d'argent. Quand on a été dans l'armée et ici autant que nous trois, on finit par les repérer. Tu sais, tu n'es pas le premier à être ici en pensant être un individu lambda. Tous tes homologues ont fini fous et sont morts. »

     J'avale difficilement ma salive, mes supérieurs ne m'ont jamais parlé de ça. Mais qu'est-ce que c'est que cet endroit ? J'ai soudainement l'impression d'être pris au piège. Et cette sensation, qui m'est complètement inconnue, s'insinue au plus profond de mon corps et de mon esprit. J'espère que ça ne va pas me déconcentrer durant ma mission.

22 mars 1917

     J'ai passé une nuit horrible, à me tourner et à me retourner sur le nid à moisissure qui me sert de matelas. La veille, au moment du couché, je me suis senti observé et cette impression ne m'a pas quitté du crépuscule jusqu'à ce matin. Et le réveil a été assez brutal -un des mes « colocataires » m'a tiré du lit. Résultat j'ai plus la tête dans le cul plutôt que d'être concentré un maximum sur ma mission. Pour le moment, je suis avec une vingtaine de prisonniers dans la cour centrale du camp. Un des soldats nous surveillant fait l'appel. Ici nous n'avons pas de nom ou de prénom, juste un code auquel chaque détenu doit répondre par un bras levé. J'ai eu de la chance hier quand on m'a donné le mien.

« Nummer 13 ! » l'Allemand crie mon code, mon numéro fétiche – bien qu'il n'ait pas porté chance à son ancien propriétaire qui s'est fait fusiller avant que je n'arrive, d'après ce que j'ai compris.

     Je lève mon membre endolori par le sommeil. Aussitôt deux hommes s'emparent de moi. Je me débats un peu, en leur demandant où ils m'emmènent, mais juste pour la forme. Pas un seul visage se tourne, pas un seul son est lâché, personne ne réagit à mes suppliques. Tous semblent avoir subi un lavage de cerveau. Je me tortille dans la poigne des soldats qui m'amènent devant une bâtisse la plus propre que j'ai pu voir depuis que je suis ici.

     À l'intérieur on me dirige vers une chambrette blanche où deux femmes toutes de blancs vêtues me déshabillent. La première est une blonde, rondouillarde au visage rougi et aux yeux vides. La seconde est... beautiful... superbe... wonderful... Toutes les expressions de beauté ne sont suffisantes pour la décrire ; des cheveux chocolat noir, des pupilles couleurs roche plus vivantes que celles de sa camarade, un corps robuste malgré son apparence frêle... Je pourrais jamais cessé de la décrire tant sa morphologie est changeante au fil de mon observation.

     On m'arrache trop vite à cet ange pour me pousser dans une nouvelle pièce, blanche elle aussi au milieu de laquelle trône une table d'opération.Une voix donne un ordre derrière moi et je me fais plaquer sur la table par deux hommes pendant que l'ange de la chambrette m'injecte quelque chose dans le bras. Alors que mes forces m'abandonnent doucement, j'entends quelqu'un me dire :

« Nice to see you again, Peter... »

Animalis dementiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant