28. Décembre 2017 (Hope)

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         tic

         tac

         tic

         tac

         tic

         tac

« -Hope ? Tu veux regarder un film avec nous ?

         tic

-Hope, s'il te plaît, viens manger.

         tac

-Hope ? C'est l'heure. Tu viens ?

         tic

-Hope, tout va bien ? »

         tac

     Rien ne va. J'ai un trou dans le cœur, un fantôme dans les yeux, des cauchemars dans la nuit, un vide dans le lit, un souvenir dans la tête...

     Sa présence est partout. Je respire encore son odeur. J'entends encore son rire. Je touche encore sa peau. Je vois encore son visage. Je goûte encore ses lèvres.

         tic... tac...

     Pourtant, je suis prostrée dans une pièce qui m'est familière, mais que je ne reconnais pas. J'ai fermé les volets, les fenêtres et la porte. Quand j'en sors, soit pour aller à la salle de bain, soit pour aller chez le ou les psys -je ne sais plus-, je croise des visages familiers que je n'identifie pas. Je perçois aussi des voix. Mais je ne distingue pas qui sont leurs propriétaires.

         tic... tac...

     Parfois, on me pose des questions auxquelles je suis obligée de répondre, même si je ne veux pas, même si je ne peux pas y répondre. La douleur des souvenirs est trop forte. On me dit que je suis dépressive. Est-ce que je le suis ? Oui.. Non... Peut-être... Je ne sais. Je m'en fous. De toute façon, plus rien n'a d'intérêt. On m'a dit que j'ai le syndrome de Stockholm, que j'ai développé des sentiments positifs à l'égard de mon agresseur. Qu'à cause de ça, je ne suis pas dans mon état normal. Qu'à cause de ça, je cherche à défendre l'homme qui m'a séquestré. Et ce mensonge m'énerve. Parce que j'étais déjà amoureuse de lui avant même de l'avoir rencontré. Je ne sais pas combien de fois j'ai raconté mon histoire, de ma rencontre avec lui jusqu'à... À chaque fois, on me prend pour une tarée. On ne le dit pas à haute voix, mais je le vois dans les regards quand je daigne enfin me concentrer. De la compassion et de la pitié. Ça me donne envie de vomir. Parce que je n'ai pas besoin de ça. J'ai besoin de lui, de ses mots, de son sourire, de ses bras, de tout ce qui vient de lui.

         tic... tac...

     Je ne revis que quand on me parle de lui. Quelqu'un est venu me voir pour me dire qu'il n'est pas coupable des enlèvements qui ont eu lieu pendant le mois d'octobre. Il a été jugé pour les meurtres de femmes dans sa cave, et pour ma séquestration. Mais peut-on parler de captivité forcée quand j'ai fini par vivre avec lui de mon plein gré ? Il ne m'a jamais fait de mal -du moins jamais intentionnellement- et il s'est occupé de moi, il m'a nourrie, habillée et logée. Ce n'est pas lui qui m'a fait du mal. Ce sont eux ! Ces ombres effrayantes qui étaient là ce soir-là, à me dire de ne pas m'inquiéter, que tout allait bien et autres conneries de ce genre.

         tic... tac...

     J'ai peur de dormir. J'ai peur de fermer les yeux. J'ai peur du noir complet. Quand je suis dans l'obscurité, ou inconsciente, je le vois. Il est là, à courir devant moi. Nous sommes entourés d'arbres et d'ombres, des fantômes noirs étranges. Et soudain il s'arrête, se tourne vers moi et me dit : « C'est de ta faute ! ». Puis du sang commence à s'écouler de sa gorge sur son T-shirt. Je panique, je me précipite vers lui pour l'étreindre, mais il vole en éclats dès que je le touche.

Animalis dementiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant