14. 3 janvier 1918 (Peter)

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     C'était étrange... Je crois que pour la première fois de ma vie, je n'ai pas entendu les souhaits de Noël et de nouvelle année. Après c'est totalement compréhensible.

     Dans ce lieu, les prisonniers, les mutants, les fous perdent la notion de loisir. In apprend à oublier ce que c'est que d'avoir des passions comme la danse, la chasse ou la lecture. On apprend à faire abstraction des jours de fêtes comme la naissance du p'tit Jésus ou le Nouvel An.

    On ne se concentre que sur une seule et unique chose...

     Survivre pour ne pas devenir fou...

         ou...

     Ne pas devenir fou pour survivre...

     Ce que vous préférez, je m'en fous, mais c'est tout ce qui nous maintient en vie ici.

     J'en suis à quarante d'opérations. Quarante PUTAIN d'opérations ! Je n'en peux plus de sentir mon corps changer. Je ne sais pas comment ont fait les autres pour supporter cela.

     Je crois qu'on ne peut pas et on ne pourra jamais supporter ça.

     On vit avec, c'est tout. It's our curse, that's all !

     Depuis la première, mes sens se sont développés : je sens, j'entends, je vois mieux qu'au début de la guerre. Ma force physique aussi s'est vue améliorée : je transporte sans peine dans un bras un pierre d'un bonne soixantaine de kilos et la brise d'un coup de masse pour la réduire en poudre. Mon instinct naturel s'est perfectionné : je sens venir les problèmes bien avant qu'ils me tombent dessus.

     On pourrait croire à un bénédiction présenté comme cela. Mais à tout cela vient s'ajouter une espèce de paranoïa et des pulsions sanguinaires inconnues. Je suis constamment sur mes gardes, je regarde les autres, les surveille, les sens, les écoute, remarque leurs moindres faits et gestes... Même pour ceux que j'aurais appelés « amis » dans d'autres circonstances. En réalité c'est ce sont eux que je sonde le plus. Comme ils sont proches de moi, ils sont plus à même de connaître mes faiblesses...

     Pour mieux te détruire !

     Un autre détail intéressant en plus de mes envies de meurtres passagères et ma psychose, j'entends une voix dans ma tête. Une voix rauque, ferme, dominante. Elle... Elle est un peu à l'origine de mon super instinct. Elle s'incruste de temps à autres dans mes pensées et me fait voir le monde d'un point vue que je n'aurais jamais osé choisir avant de venir dans ce camp.

     Dominant ou dominé. Prédateur ou proie. Manger ou être mangé.

     Détruire ou être détruit !

     Oui...

     Détruire ou être détruit...

     Un sourire malsain s'inscrit sur mon visage au moment même ou j'abats ma masse sur le bloc pierreux à mes pieds, le détruisant en dizaine et dizaine de petits morceaux. Je jette un coup d'œil au garde à côté de moi. Ses yeux de gamins sont grands ouverts, ses phalanges blanchissent tellement il serre son arme contre son torse et il tremble, il tremble. Il me plaît de penser que ces frissons ne sont pas seulement dus au froid hivernal mordant qui nous enveloppe. Il me plaît de penser que je suis à l'origine de cette réaction.

     Oui, ça fait plaisir. Mais ne serait-ce pas meilleur de sentir son sang sur nos mains ?

     Un instant, juste un court instant, je m'imagine son corps à mes pieds, sa gorge ouverte, et mes doigts rouges... Contraste frappant avec le blanc du sol enneigé...

Animalis dementiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant