20. 24 novembre 2017 (Hope)

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* le média ne m'appartient pas*

     J'observe l'homme blond aux yeux verts qui dîne face de moi en silence. Je n'aime pas cela. Ce mutisme qui nous enveloppe. Le fait qu'il m'ignore ostensiblement. Les quelques coups d'œil méprisants qu'il me lance. J'en viens à me demander comment j'ai fini par me fiancer avec lui.

     C'est pas vrai ! C'est reparti !

     Ma relation avec Clyde a commencé à battre de l'aile à partir du moment où il a accepté de venir travailler dans ce trou perdu. Avant, il était un fiancé tellement charmant, attentionné et doux. Il est devenu odieux, indifférent et passablement agressif. Il passerait ses journées au labo s'il le pouvait. Mais ces deniers mois, c'est encore pire. Il est possessif à l'extrême, il a souvent des sautes d'humeur, il part au quart de tour, et je ne sais même pas pourquoi. Cela joue sur mes nerfs et nous avons eu de multiples disputes. Qui sont d'ailleurs les seuls échanges que nous avons.

     Mais quitte-le !

     J'espère que tout redeviendra comme au début à la fin de l'affrontement. J'espère qu'elle arrivera bientôt à son terme. J'espère que quand tout sera révolu, je n'aurai plus à aller dans un lieu comme celui-ci. J'espère que je n'aurai pas trop à attendre. Je fouille les légumes dans mon assiette en espérant diverses choses, quand mon esprit divague vers des yeux bleus et des cheveux cuivres. Je me fige un instant. Je me mets à souhaiter que nous serons amis, « 13 » et moi, quand cette foutue guerre s'achèvera. Et ce, malgré le ressentiment de mon amoureux à son égard.

     Je ne sais pas ce qui a pu se passer entre eux, mais j'ai une opinion bien différente de mon futur époux du prisonnier. Mon promis me le décrit comme égoïste, superficiel, frivole, libéré et libertin. Le détenu l'était peut-être avant les conflits. Mais la guerre change les Hommes, en bien ou en mal. Et moi, de ce que j'ai pu observer depuis sa venue dans le camp, c'est une personne généreuse, protectrice, concernée, courageuse et endurante. Parce qu'il faut beaucoup de mental pour survivre ici. Je souris intérieurement en me rappelant toutes les fois où je suis prise à l'espionner pour confirmer les dires de Clyde. Je me souviens de ce jour où le numéro « 27 » s'était fait punir pour désobéissance. Une journée sans boire, ni manger, enfermé à l'écart des autres. À midi, « 13 » s'était installé près du sanctionné, suffisamment loin pour ne pas attirer l'attention, mais suffisamment près pour pouvoir lui envoyer des morceaux de son propre repas. Le voir partager la moitié de sa maigre collation avec un autre m'avait fait chaud au cœur.

     Je sursaute quand j'entends le bruit d'une chaise qui racle sur le sol. Je lève les yeux sur mon homme qui sort de la salle à manger.

« -Je t'attends dans la chambre. » me dit-il froidement.

     Bonjour l'ambiance...

     Je finis mon repas, nettoie rapidement les couverts et les mets à sécher avant de me diriger vers la salle de bain pour faire ma toilette. J'enfile ma chemise de nuit mauve qui m'arrive aux chevilles, me drape d'un négligé blanc, me rends dans notre chambre et m'allonge dans le lit. Sous le drap, malgré la chaleur estivale, je suis glacée. Quand nous sommes arrivés ici, j'avais le plaisir de m'endormir dans ses bras. Mais notre récent éloignement se fait sentir jusqu'au plus profond de notre intimité. Très vite, je perçois sa respiration devenir plus régulière, signe qu'il s'est assoupi. Je me mords la lèvre, contenant mes larmes avec difficulté. Incapable de fermer l'œil, je vais dans la cuisine.

     Voilà plusieurs minutes que je me lamente sur mon sort, une tasse de thé froid entre les doigts. Mes pleurs se sont taris. Mes yeux sont secs et sont fixés sur un point à l'horizon. Quand soudain une ombre passe dans mon champs de vision. Surprise et angoissée, je récupère mon déshabillé et ouvre la porte menant au jardin mais reste accrochée au chambranle au moment où je reconnais la carrure de l'homme sous l'arbre. Lui-même s'est figé. Je le vois tourner brusquement la tête vers moi, alors qu'une brise me fait frissonner. La lune se découvre à ce moment précis. Je sens sur regard sur moi, sur mon corps. Une étrange sensation de chaleur me prend, et ce n'est pas dû au fait qu'on soit en été.

Animalis dementiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant