7. 1er novembre 2017 (Hope)

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     Foutue pour foutue, je n'ai pas d'autre choix que de me servir dans ses affaires. Dans un long soupir, je prends au hasard un boxer – ça commence bien -, un bas de jogging – bien trop grand pour moi – et un sweat-shirt – c'est un géant ce mec ou quoi ?!-, et je m'habille prestement. Bon sang de bois, j'ai l'impression d'avoir subi un sort de rapetissement, comme dans Alice au pays des merveilles ! Même Bozzo le clown ne peut être plus ridicule que moi. Une fois habillée, je continue la lecture du dossier en mangeant un bol de bouillon de légumes dans lequel flottent des morceaux de choux, de carottes et d'oignons. De toute façon je n'ai pas d'autres occupations à part tourner en rond dans cette chambre. Je défais précautionneusement le ruban fermant la chemise et dévoile la première feuille. Les lettres et les mots courent sur le papier : « Peter Ducan », « March 21rt, 1894 », « Leeds »... Je suis en présence d'un carnet de vie ou quelque chose du genre. Plus loin, je lis ce qui me semble un compte rendu détaillé d'une opération médicale daté du « 22. März 1917 ». Si j'ai bien calculé, le fameux Peter a vingt-trois ans. C'est jeune, à peine deux ans de plus que moi. Le lieu n'est pas mentionné réellement, juste par « Versuchszentrum des Kamp (1)». Vu la période, je dirais que c'était le dossier d'un soldat anglais de la Première Guerre Mondiale. Par contre, difficile de comprendre quoi que ce soit, j'ai beau avoir fait Allemand au collège et au lycée, je ne connais rien du vocable médical.

    Je continue de parcourir les polycopiés, plus ou moins lisibles selon leur état. Parfois, je découvre des commentaires en anglais du genre «He seems to suffer. That's good! » . Je sais pas qui c'était, mais il m'a l'air d'un bon gros psychopathe bien sadique. Puis je tombe sur une photo... Mon bout de légume me reste coincé dans la gorge... On voit un corps sur une table d'opération, le torse ouvert, les muscles et les organes apparents... La photo est prise de manière à ce que «l'intérieur » du sujet soit visible, mais pas son identité. Je sais que pendant la Seconde Guerre Mondiale, on pratiquait des expériences sur des êtres humains, mais je ne pensais pas qu'on le faisait déjà à cette époque. Le penchant naturel de l'Homme pour faire souffrir ses frères n'a pas évolué au cours du temps. Je décide de tout reprendre depuis le début, histoire de voir si je peux comprendre, ne serait-ce qu'un tout petit peu, ce dossier avec mes bases en Allemand. Très vite, je découvre un mot récurrent dans ces espèces de comptes-rendus : «Wolf». C'est le même mot en Allemand qu'en Anglais. Il semble donc qu'un loup est -était- impliqué. Quelle horreur! Je referme vivement le classeur et le range sous l'armoire, loin de mes yeux. Je suis dégoûtée. Je me dégoûte. De faire partie d'une telle espèce. Les humains ont fait tant d'atrocités au cours de l'histoire que si on en faisait un livre, expliquant chacune de ces actions monstrueuses en détails, on aurait de quoi faire une série d'encyclopédies.

    J'ai le tournis. Ma vie est en train de devenir folle, je suis en train de devenir folle, je suis enfermée avec un monstre et un fou, je passe le temps en lisant un dossier médical tenu par un fou... fou, fou, fou, fou, flou, flou... Tout est flou, brumeux et embrouillé dans ma tête... Et je sens une migraine qui arrive. Je m'allonge sur le lit et m'enfonce dedans. Je regarde le plafond sans le voir. Je veux... Qu'est-ce que je veux déjà? Rentrer à la maison? Mais laquelle? Je ne me sens bien ni chez ma mère, ni chez mon père! Retourner au dortoir de la fac? Ma coloc est une peste, les autres filles me considèrent comme un phénomène de foire, et la plupart de mes amis sont des garçons alors...  M'enfuir ? Ce serait super, mais je n'ai pas une idée d'où je peux être dans la bâtisse et je suis enfermée à clef dans cette chambre. Je soupire, plus je cherche à me sortir de la situation où je me suis fourrée, plus je me sens perdue. Je crois que je suis fatiguée de cette situation. Je perds rapidement la notion du temps et m'endors.

***

    J'ai chaud. J'ai trop chaud. Je me sens lourde. Trop lourde ! J'ouvre les yeux et découvre que je ne suis plus seule dans le lit. Il est allongé sur le flanc, à mes côtés, sa tête soutenue par sa main droite et il me regarde, l'éclat d'un sourire dans les yeux. Sourire qui gagne rapidement ses lèvres quand il voit mon expression choquée et paniquée. Bon sang, je le hais autant que j'aime la façon qu'il a de sourire.

«- Salut ! »

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1: Laboratoire du camp

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