24. 26 novembre 2017 (Hope)

132 16 0
                                    

     Je referme doucement le carnet. J'ai le cœur serré. À cause de Clyde – et de moi dans un sens -, Peter est devenu un homme à la merci de ses instincts. Il ne pouvait plus réfléchir sans penser à la violence et au sang. Il avait besoin d'un exutoire. Et il l'avait trouvé dans le meurtre et dans la guerre. Je ne peux pas dire que j'approuve ce comportement, mais personne ne sait et ne saura ce par quoi il est passé. Personne ne peut et ne pourra comprendre. Car personne n'a vécu ce que lui a survécu. Et j'espère que personne ne vivra cette horreur.

     Qui ici peut se targuer d'avoir fait les deux Guerres Mondiales et la Guerre du Vietnam ? Qui ici peut se targuer d'avoir subit plus d'un an d'opérations hebdomadaires ? Qui ici peut se targuer d'avoir pu trouver un tant soit peu d'équilibre mental en sachant qu'il n'était plus humain ?

     Personne !

     J'inspire profondément. Je regarde l'homme qui m'enserre la taille. Un léger sourire fleuri sur mon visage. Cette nuit, pour la première fois, nous avons dormi ensemble, sur le canapé-lit de la multi-pièce. N'allez pas vous faire des idées, il ne s'est rien passer ! Enfin si. J'ai failli mourir étouffée, car Peter m'a prise contre son torse pour ne plus me lâcher du reste de la nuit. Si au début j'ai rouspété, j'ai bien vite compris que le manque d'affection, d'amour et mon absence sont ce qui l'ont le plus détruit. Pourriez-vous vivre cent ans de solitude ? Pas moi. Si ce matin, j'ai réussi à m'extirper de son étreinte pour aller à la salle de bain, profitant de cette sortie pour récupérer le deuxième journal de sa vie, c'est pour me retrouver à nouveau prisonnière de ses bras. Je ne vais pas mentir : je ne m'en plains pas. J'ai attendu qu'il émerge en lisant un autre pan de sa vie.

     Je laisse mes doigts se perdre dans sa chevelure aux reflets cuivre en suivant du regard toutes ses réactions. Je sursaute et me stoppe quand il se met à grogner. Sa réplique est sans appel : il m'attrape le poignet pour plaquer ma main sur sa tête.

« - T'arrêtes surtout pas, c'est trop agréable, marmonne-t-il encore perdu dans les limbes du sommeil.

- Il faudrait que tu arrêtes de grogner, alors. Je vais finir par croire que tout ce que je te fais ne te plaît pas, je le sermonne faussement en colère.

- Excuse-moi, articule-t-il en se redressant su un coude, mais c'est de cette manière que mon loup s'exprime.

- Hum, ne t'en fait, je vais lui apprendre à être plus poli, ce loulou » je l'embrasse sur la tempe.

     Peter m'attrape et vient me donner un vrai baiser. Pas le petit bisou que je lui ai donné juste avant. Non, un vrai empreint de tout son amour pour moi. Et c'est juste renversant ! Je n'ai jamais ressentie ça avec qui que ce soit d'autre, même pas Eulalie qui a quand même été ma plus longue relation jusqu'à ce jour.

     Je finis par mettre fin à ce moment de bonheur. J'ai des questions qui ne peuvent attendre leurs réponses pendant des lustres. Mon loup le voit bien à mon visage. En soupirant, il s'assied pour me faire face et attend l'interrogatoire.

« -Qui sont ces filles ? Je demande sans ambages.

- Tu as lu mon dossier médical. Tu sais donc que j'ai des chaleurs. Jusqu'à mon retour en France, elles ont continuellement été relayées au second plan. Mon besoin de sang et de violence avait toujours été supérieur, me rendant dingue par occasion. La seule fois où j'ai eu une espèce de réminiscence de cet excitation, c'est quand j'étais au États Unis, entre les deux guerres.

- La prostituée ?

- Oui, elle, acquiesce-t-il, son regard perdu dans le vague. Elle lui – te – ressemblait sur le plan physique et cela à réveiller quelque chose en moi. Ton absence me tuait comme un poison lent. J'avais décidé de me laisser tenter. Mais me rendre compte qu'elle n'aurait jamais été toi m'avais mis dans une rage folle. Je l'ai tuée. Il s'est passé à peu près la même chose pour les autres. Une similarité approximative, mon corps qui réagissait au quart de tour au manque et à ta disparition, la découverte d'un détail qui faisait tout basculer et leur mort prématurée. Chacune se laissait tomber dans mes filets car elles n'avaient d'yeux que pour mon corps. Puis je découvrais que celle-ci était en réalité blonde, que celle-la n'en avait, en réalité, que pour mon argent, et ainsi de suite, il se tait en plantant ses orbes bleues dans les miennes. Elles n'étaient pas toi.

Animalis dementiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant