Chapitre 9 : Une année de mort intérieure.

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A la terrasse d'un café parisien était assis une jeune femme châtain foncé, les cheveux courts aux yeux marrons. Elle portait un pull blanc, seule excentricité dans sa tenue qui était dominée par le noir. Fumant sa cigarette, cette jeune personne regardait avec une immense tristesse l'alliance en or fin qu'elle portait à sa main. Elle était perdue dans le souvenir merveilleux de l'échange des anneaux lors de leur mariage. O combien elle avait été transportée de joie lorsque David avait enfilé l'alliance à son doigt. Ce jour-là dans l'église de Goeberitz, ils avaient eu l'impression que plus rien d'autre existait. Ils étaient tous les deux se promettant une union éternelle jusqu'à ce que la mort les sépare. Et en effet, la mort d'un être aussi important que Frédéric les avait séparés et rompu l'harmonie familiale qui régnait avant ce drame. Soudain, la voix d'une amie résonna à ses oreilles et la sortit brutalement de ce souvenir à la fois merveilleux et douloureux.

- Hé Alex, je suis là! J'arrive! Désolée pour le retard! s'écria une jeune femme aux cheveux mi-longs particulièrement dynamique.

- Bonjour, Céline, ce n'est pas grave, je ne t'en veux pas.

- Excuse-moi, il fallait que je corrige les cahiers des petits et remplir leur bulletin trimestriel. Pfffff, je croyais que je n'allais jamais y arriver.

- Je comprends, ne t'en fais pas. N'oublie pas que je travaille à tes côtés. Je le vois tous les jours, dit-elle en souriant tristement.

Céline voyant le visage mélancolique de son amie lui dit :

- Toi, tu as du passé encore une mauvais nuit. Dis-moi ce qui ne va pas!

- Rien, je t'assure, ça va.

- Samedi avec Robert , on va à une petite fête, tu devrais venir. Ça te changerait les idées et tu pourrais faire une belle rencontre. En plus, tu pourrais même passé un bon moment, Robert fera sa danse pathétique devant tout le monde. Ça vaut le détour, je t'assure, dit Céline avec un sourire sur les lèvres en pensant à la dernière danse qu'ils avaient partagée. Il n'avait pas arrêté de lui monter sur les pieds.

- Non merci, ça ne me dit rien. En plus, j'ai plein de rangement à faire à l'appartement.

- Je sais que ce n'est pas facile d'oublier l'homme que tu as aimé du plus profond de ton coeur. Mais il ne fait plus partie de ce monde. De là-haut, il ne voudrait pas te voir malheureuse.

Malgré tout ses efforts pendant cette année, Céline n'avait jamais réussi à la faire sortir ne serait-ce que pour une soirée. Mais elle ne lui en voulait pas. Être veuve à son âge était quelque chose d'horrible à supporter. Alexandra au discours de Céline baissa la tête.

- Bon, tant pis, j'aurais essayé. Je vais devoir y aller, ma poulette, dit-elle en souriant, car Robert m'attend au stade de football. J'ai une sainte horreur de cet endroit, il le sait en plus. Parfois, je me demande vraiment ce que je fais avec lui.

- Moi aussi, dit-elle; Tu n'as pas le temps de prendre un café avec moi?

- Si, rapido presto sinon il va être vexé si je ne le vois pas jouer.

En sirotant le café, Céline s'aperçut qu'Alexandra avait toujours son alliance.

- Écoute, ne te fâche pas, Alex! Tu n'arriveras jamais à faire ton deuil si tu n'enlèves pas cette alliance.

- JAMAIS! Jamais de la vie! S'emporta-t-elle, Excuse ... moi, je ne voulais pas ... te crier dessus. C'est que je ne suis pas prête c'est tout. Je ne me sens pas bien, je vais y aller. On se voit demain à l'école.

- ok , pas de souci. Moi aussi, je vais aller rejoindre mon Robert adoré, plaisanta-t-elle pour détendre l'atmosphère

Elles se firent la bise, chacune partit de son côté, l'une allait rejoindre son petit ami, l'autre retrouver son appartement vide de célibataire forcé ou de veuvage intérieur. Alexandra rejoignit la station de métro car son appartement se trouvait en banlieue parisienne. Dans le métro, elle dut supporter la proximité des autres passagers, c'était l'heure où tout le monde rentrait chez soi. Un français au physique ingrat et particulièrement collant la repéra et entreprit de la draguer. Décidément aujourd'hui, elle était gâtée. Elle avait du encore mentir à Céline tout en supportant les remarques justes et blessantes de son amie. Cependant, elle ne pouvait lui en vouloir car elle ne connaissait pas la vérité sur son soi-disant veuvage. Et là, le bouquet final : cet abruti s'entêtait à lui faire des compliments sur son physique. Pour une fois, elle se servit de ce qui avait été un handicap lorsqu'elle était arrivée il y a un an en France. Alors qu'il lui demandait son numéro de téléphone avec insistance, elle lui répondit :

- Ich bin nicht franzosisch, bitte Herr lass mich in ruhe!

Cette réponse refroidit immédiatement cet homme lourdaud qui alla s'asseoir tout penaud à côté d'une vieille dame. Enfin, il m'a lâché! Soupira-t-elle. C'est dans ces moments pénibles qu'elle se sentait immensément seule. Si David avait été là, il m'aurait protégé et aurait vite fait de le dégager. Il aurait dit : Pardonnez-moi, Monsieur. Mais cette femme est déjà prise! C'est la mienne! Il aurait conclu ces mots par un tendre et passionné baiser, un baiser qui l'aurait transporté au septième ciel. David l'aurait prise dans ses bras enfouissant son visage dans le cou. Mais ce n'était pas le cas. Après avoir réussi à se débarrasser de cet individu, elle sortit du métro et rejoignit à pied l'immeuble situé Rue de l'espérance.

Son appartement se situait au troisième étage de l'immeuble comportant cinq étages qui appartenait à une Américaine émigrée en France depuis dix ans répondant au nom de Christelle GOODREM. C'était une femme adorable qui avait tout fait pour arranger la jeune Allemande qui lui avait apparue si désemparée il y a de ça un an. La jeune femme s'était présentée comme veuve, sans enfants. Elle avait eu pitié d'elle comprenant sa situation instable et par conséquent, elle ne lui avait pas demandé de chèque de caution.

Arrivée dans le hall du bâtiment, elle ouvrit sa boite aux lettres sur laquelle on pouvait lire Mademoiselle Alexandra KENSPEL. Rien de rien si ce n'est que de la publicité française, aucune lettre qui la ramènerait auprès des siens, de son époux et de sa petite fille. Elle voulait monter au plus vite chez elle mais l'ascenseur était hors service et donc elle allait devoir se taper 3 étages pour couronner le tout. Quelle magnifique journée!

Une fois arrivée essoufflée devant sa porte , elle entra dans l'appartement rapidement avec une seule envie : s'allonger dans son lit, fermer les yeux et se perdre dans son ancienne vie là où elle était heureuse. Ce rituel lui avait permis de survivre à cette année difficile qui avait ressemblé à une mort à petit feu, une mort intérieure.

Une histoire d'amour contrariéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant