Andéol (4)

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Lucas haussa les épaules :

- J'ai réfléchi à ce que tu m'avais dit, et je me suis dit que tu avais raison : maintenant que j'ai compris qui je suis, j'ai envie que tout le monde le sache aussi.

Il se tut, la mine songeuse. J'attendis, ne sachant pas trop quoi dire. Il me semblait que dans sa bouche, le fait d'être gay constituait la part essentielle de sa personne.

Étais-je d'accord avec ça ? Difficilement.

Moi, je suis gay, mais je suis loin d'être juste ça – ni pour moi, ni pour mes amis. Du moins, je l'espère.

Peut-être bien que ça impacte sur ma façon de parler, de m'habiller, de me comporter et dans tous les aspects de ma vie en général, mais je ne pense pas que tout se résume à cela. Ou alors, ça reviendrait à dire que tous les gays sont identiques, ce qui est loin d'être le cas.

Je ne connais pas beaucoup de gays. Juste deux en fait : Naël et Fabbio. Mais ça suffit bien à prouver que des gays peuvent être très, mais alors vraiment très différents.

Lucas me regarda et poursuivit son compte-rendu introspectif :

- Mais je ne peux pas le dire à tout le monde d'un coup, pas vrai ? À moins de me lever sur une chaise et de crier bien fort que j'ai une annonce à faire...

- Ce serait très romanesque.

- Mouais... Non, je pensais à quelque chose de plus progressif, tu vois ? Je voulais par exemple commencer par le dire à ma mère, puis mon père. Ensuite mes amis les plus proches. Tu vois ?

Je rangeai le livre que j'étais en train de lire avant que Lucas ne vienne me rejoindre sur mon banc, comprenant que visiblement je n'aurais pas l'occasion de m'y replonger.

- Ça me parait bien, répondis-je, sans trop savoir quoi ajouter de plus.

Je n'étais décidément pas très bon pour donner des conseils.

Mais cela parut suffire à Lucas qui me sourit :

- Cool. Et toi au fait, tu ne m'as pas raconté ?

J'haussai un sourcil, hésitant :

- Te raconter quoi ?

- Bah, comment ça s'est passé pour toi, pour ton coming-out ?

Zut. La question que je redoutais. Non pas que j'en ai particulièrement honte mais... Quand même, ce ne fut pas ma plus grande démonstration de courage.

- Bah, fis-je en mordant l'intérieur de ma joue, j'avais seize ans quand j'ai compris que j'aimais les garçons. Alors, quand je me suis senti prêt, je l'ai dit...

- C'est tout ? répondit Lucas après un silence, visiblement déçu.

- Oui. Enfin, quand je dis quand je dis « je l'ai dit », je devrais plutôt dire... « je l'ai écrit ».

- Comment ça ?

Je détournai le regard :

- Disons que je n'ai pas vraiment trouvé le courage de l'annoncer comme ça, de but en blanc, alors... Je l'ai fait par le biais d'une lettre, que j'ai donné à mon père.

Avant d'aller me terrer dans ma chambre comme un lapin phobophobe, ajoutai-je pour moi-même.

- Tu lui as écrit une lettre où tu lui avouais que tu étais gay ? résuma Lucas en ouvrant de grands yeux.

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