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Andéol (8)

Autant vous prévenir d'avance, ce que je m'apprête à vous dire va certainement vous sembler niais, naïf voire un peu stupide.

Mais voilà : ces derniers temps, ma vie m'apparaissait plus belle de jour en jour.

Ne me dites pas que je ne vous avais pas prévenu ! En fait, elle avait radicalement changé. Notamment sur un point : ç'en était fini de la routine. Désormais, chaque journée me paraissait unique et m'apportait son lot de plaisirs et de découvertes. Ce mois-ci, il m'est arrivé un tas de choses formidables.

D'abord, j'ai découvert qu'il existait quelque chose de plus exaltant que de chanter : chanter à plusieurs. Honnêtement, à présent je réalisais ce que j'avais manqué à force de me cacher dans ma chambre pour m'adonner à cette passion : faire partie d'un duo ou d'un groupe, voilà ce qui me fait réellement vibrer. Ce serait difficile à expliquer, je suppose que c'est le genre de chose que l'on ne comprend que lorsqu'on le vit. Disons simplement que faire partie d'un tout aide significativement à se réaliser soi-même ; autant parce que ça nous pousse à nous dépenser au max pour ne pas décevoir les autres, que parce que ça nous donne le sentiment de réaliser quelque chose de concret. Bref, j'étais réellement reconnaissant envers Fabbio pour m'avoir permis d'entrer dans son groupe. J'étais même confiant à la simple idée de monter sur scène pour le concours. Je n'ai pas une âme de compétiteur, mais j'espérais bien qu'on allait le gagner celui-là !

Même si ça devait signifier le départ de Fabbio pour Paris, loin de moi. Je vous avoue que cette idée me filait le cafard... J'aimais trop tout ce qui m'arrivait en ce moment, je ne voulais pas que ça s'arrête si vite.

Fabbio... Je le trouve vraiment génial en ce moment. Enfin, je l'ai plus ou moins toujours trouvé génial, mais en ce moment il semblait plus gentil que jamais, plus passionné, plus à l'écoute. Je suppose que c'étaient là les effets de sa rupture avec Pierre. En fait, il était exactement comme j'avais imaginé qu'il soit avant de le connaître mieux : aussi fort que doux, aussi déterminé qu'altruiste, aussi fier que conciliant. Ce n'est qu'après qu'il avait montré sa manie à revendiquer abusivement sa fierté homosexuelle et à se mêler de la vie des autres, le genre de choses agaçantes auxquelles je m'étais pourtant habituées. Mais, comble du bonheur, il semblait s'être calmé là-dessus. En d'autres terme, il ne lui restait presque plus que des qualités.

Et puis même au-delà de cette vision rationaliste, il y avait toujours quelque chose chez lui qui me faisait vibrer. C'était un artiste, il avait cette sensibilité brute, ce naturel désarmant qui vous font fondre immédiatement et un talent monstre. Un soir, nous avons chanté pour la première fois un duo sur L'envie de Johnny Hallyday, et c'était tout bonnement formidable, un moment riche en sensations et en complicité. Sur mes conseils, il avait décidé de garder ce duo pour le concours, qui n'était à présent plus que dans deux jours. Et vous savez quoi ? J'étais plus qu'impatient.

En parallèle de cela, je vis une amitié formidable avec Thomas. En cinquante jours à peine, il était passé du stade de simple rencontre à celui de meilleur ami et confident. C'est comme s'il utilisait un charme pour m'obliger à lui faire confiance ; avec lui je me sentais totalement libre de parler, de moi ou de mes idées. Et lui non plus n'était pas en reste : j'adore quand il me parle de lui, que ce soit de ses bonheurs comme de ses soucis. Selon lui, j'étais de très bon conseil...

Nous parlions beaucoup de l'avenir : il prévoyait d'entrer dans l'école d'informatique de la ville, à deux pas de l'école de design que je visais. J'avais au moins cette consolation : lui serait toujours là l'année prochaine.

On fait des tas de choses ensembles : avec lui, je découvrais chaque jour de nouveaux plaisirs, de nouvelles envies. Moi qui restait la plupart du temps cloisonné dans ma chambre, je sortais désormais jusqu'à quatre fois par semaine, tous les deux ou avec nos amis.