Fabbio (6)

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Je crois...

Je crois que je n'ai pas encore compris tout ce qu'il s'est passé. C'est comme si mon cerveau avait atteint la limite en matière de rebondissements. Ma journée avait été une succession folle d'inattendus, de révélations et de drame. Résultat, entre le moment où je m'étais réveillé ce mercredi matin-là et celui où j'étais parti me coucher, mon monde n'était plus le même.

Le pire, c'est que je n'arrivais toujours pas à la qualifier, cette journée. Fatidique ? Invraisemblable ? Ou simplement très bizarre ?

Je vous laisse en juger.

Autant vous la raconter dans l'ordre. La matinée fut plutôt calme : j'ai été en cours, rien de palpitant. J'ai envoyé un sms à Pierre pour lui proposer de se retrouver le soir, il m'a répondu qu'il ne pouvait pas. Banalités.

Là où ça commence à devenir intéressant, c'est à partir de mon rendez-vous avec M Trezo, le conseiller du lycée.

J'avais longuement hésité avant de me décider d'aller le voir, puis je m'étais laissé guider par mon instinct. Ensuite, tandis que j'attendais devant son bureau, je m'étais répété la même question en boucle : étais-je en train de faire une connerie ?

En même temps, ça m'obsédait l'esprit, et je ne voyais pas d'autre solution. Avec le recul, c'était surement une connerie. Mais bref.

Je vis Naël soudain émerger du bureau de M Trezo. Il sortait de son entretient d'orientation. Vaste entreprise, d'ici à ce qu'il trouve sa voie... Ce gars est vraiment trop dispersé dans sa tête.

Enfin, à le croire, il avait finalement trouvé : monsieur voulait désormais devenir conseiller d'éducation. Laissez-moi rire. Je l'adore, mais il a déjà beaucoup de mal à s'occuper de lui et de ses propres problèmes, alors de là à conseiller les autres...

J'ai hésité à lui parler de la lettre anonyme. Puis je me suis ravisé : d'abord, pouvait-on vraiment considérer ça comment un problème ? Je veux dire, si on enlève la dimension « j'ai un copain mais je n'ai toujours pas déchiré cette lettre ». Et puis, j'avais peur qu'en parler ne ferait qu'amplifier la chose. J'aimais autant rester discret.

Après m'avoir donné rendez-vous le lendemain au Marget, Naël est reparti. La seconde d'après, la porte du bureau de M Trezo s'ouvrait :

- Fabbio, me dit le conseiller, je t'en prie, entre.

J'obéis. Il me désigna le siège en face de lui puis alla s'assoir dans son fauteuil. S'affaler serait plus exact.

Il paraissait exténué... Ah oui c'est vrai, il sort d'un entretien avec Naël.

Il me regarda puis se redressa avec un sourire :

- Alors, dis-moi ! lança-t-il avec un nouveau dynamisme. Où en es-tu dans tes perspectives d'avenir ?

- Toujours pareil, répondis-je en haussant les épaules. Je veux être musicien, faire le Conservatoire.

- Très bien. Et ton concours ?

- Il approche.

- Et ça se passa bien la préparation ?

- Plutôt bien oui.

- Parfait.

Un silence passa. M Trezo écarta les mains :

- Mais alors du coup, en quoi puis-je t'être utile ?

Je me mordis l'intérieur de la joue :

- Bah voilà... J'aimerais m'inscrire dans l'atelier théâtre.

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