Andéol (5)

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Ce fut sans conteste la plus incroyable soirée de toute ma vie.

Bon, il est vrai que je n'ai pas vraiment d'élément de comparaison ; je n'ai pas l'habitude de participer à ce genre de petites fêtes... Ça m'était déjà bien arrivé, les rares fois où Naël et Fabbio avaient réussi à m'embarquer dans leurs aventures, mais j'en garde un souvenir mitigé. Malgré tout, celle-ci s'avéra hors du commun.

Je dois avouer qu'en arrivant, en dépit de l'enthousiasme contagieux de mes amis, je ne me sentais pas vraiment à l'aise. En découvrant les lumières et la musique qui nous parvenait de la maison de Mio Lorme, l'ami de Naël, j'eus la désagréable impression de ne pas être à ma place.

Ce n'est pas que je n'aime pas m'amuser – je suis un être humain comme les autres –, mais j'ai le sentiment que ces autres et moi n'avons pas toujours la même définition de ce que c'est que s'amuser. Résultat, quand je me retrouve dans ce genre de situation, j'en arrive à redouter tout ce qui va se passer, à redouter de ne pas savoir comment bien m'amuser. Quoi faire pour paraitre normal et cool.

Je sais, c'est idiot. Mais ce soir, je ressentais le réel besoin de me fondre dans la masse, de ne pas me faire remarquer. Au pire, je n'aurais qu'à imiter les autres et espérer que ça passe inaperçu...

Bref, à mon arrivée j'étais plutôt anxieux, loin d'imaginer comment tout ceci se terminerait.

La maison de Mio me fit une bonne impression de par le style contemporain sophistiqué et très recherché de la déco. Entre les tonneaux de bières, les garçons et les filles presque ivres et la musique électro à fond la caisse, c'était rassurant de trouver quelque chose à quoi me raccrocher dans cet univers qui n'était pas vraiment – voire vraiment pas – le mien.

En fait, mes connaissances en art contemporain sont malheureusement assez limitées, mais ce n'est pas le cas de ma curiosité. J'aurais volontiers discuté des grandes toiles accrochées dans le salon. Elles me faisaient un peu penser à des reproductions d'œuvres de Matisse que j'avais vu dans des livres d'histoire de l'art...

Mais Fabbio n'avait pas l'air emballé par la perspective de parler peinture. Alors, pour le remercier de tout ce qu'il m'avait aidé à accomplir quelques heures plus tôt, dans mon dressing, je décidai de lui faire plaisir et de me plier à ses désirs.

J'acceptai même de partager une bière avec lui.

Je n'avais jamais compris la fascination des gens pour cette boisson. Je veux dire : est-ce son gout qui la rend si populaire ? Les quelques fois où j'en ai bu, je dois avouer que j'ai trouvé ça plutôt bon, quoiqu'un peu amer, mais pas non plus hors du commun. À défaut, j'en étais arrivé à croire que c'était surtout un moyen économique de finir rapidement bourré.

Je n'ai jamais été bourré. Je n'ai jamais eu l'occasion de l'être... Mais ça, personne ne le sait, tout simplement parce que je n'ai jamais su si je devais en éprouver de la honte ou en tirer une certaine fierté. Dans le doute, je préfère ne rien dire.

Notre conversation dériva très rapidement sur un sujet récurent : Fabbio qui essaye de percer à jour mes gouts en matière de garçons. Et comme d'habitude, mes réponses furent plutôt évasives.

À force, on pourrait croire que n'ai tout simplement pas envie de lui répondre, mais la vérité c'est que je n'ai pas de réponse : je n'ai pas de style particulier, pas de canon déterminé, pas de stéréotypes masculins que je trouverais particulièrement séduisants. Comme vous le savez, j'ai déjà été attiré par des garçons très différents, comme Fabbio, Bastien et Lucas. Tous les trois n'ont pas grand-chose à voir les uns avec les autres, ne serait que physiquement. Et aucun ne ressemble à...

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