Fabbio (9)

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Je crois que je n'ai jamais eu autant peur de toute ma vie.

Nous y étions enfin, le jour du concours Rock'n'Lunacy. Le jour où tout allait se jouer, la concrétisation de semaines et de mois de répétitions, de cordes cassées et d'espoirs.

Toute la journée, des groupes s'étaient succédés sur la scène pour tenter d'impressionner le jury et le public, avec plus ou moins de succès. Pour notre part, notre passage était prévu pour 15 heures.

Hors, il était 14h45 et il nous manquait toujours un membre. J'avais essayé de le joindre une bonne dizaine de fois, mais Andy ne répondait ni à mes appels ni à mes SMS. Il était censé arriver à 14h parce qu'il avait un important rendez-vous médical avant. Ça lui faisait donc quarante-cinq minutes de retard. Pourtant, il m'avait promis de venir ; je ne pouvais pas imaginer qu'il nous plante. Peut-être qu'il s'était dégonflé ?

Non. Au fond de moi, je savais ce qui aurait pu le pousser à nous lâcher. Et c'était entièrement ma faute. Sincèrement, je ne m'expliquai pas ce qui m'avais pris, la veille, quand je lui avais crié dessus. Le stress y était sans doute pour quelque chose, mais la véritable raison – et même si je n'en étais pas fier – c'était la jalousie.

Depuis que j'avais compris les sentiments que j'éprouvai pour Andéol, ils n'avaient pas cessé de se renforcer. Dans le même temps, je voyais d'un œil noir son rapprochement avec Thomas : j'étais jaloux de leur complicité, de tout ce qu'ils partageaient, de leur façon de rire ensembles. Je comprenais ce que Thomas pouvait ressentir pour Andy – je ressentais la même chose –, mais ce qui me faisait le plus mal c'était de voir le regard d'Andy quand il se posait sur Thomas. Aujourd'hui, j'aurais tout donné pour qu'il me regarde de la même façon.

Voilà pourquoi la veille, j'avais complètement perdu mes moyens. Est-ce que cela pouvait justifier que je cris sur Andéol ? Non, absolument pas, et j'en avais pleinement conscience. Cette seule idée me mortifiait.

D'autant plus qu'il était temps que je me fasse une raison : Thomas avait conquis le cœur de mon ami. J'arrivais trop tard. Tout ce que je pouvais faire à présent, c'était tourner la page et espérer qu'ils soient heureux tous les deux.

Mais cela n'empêchait pas que, si j'avais vraiment vexé Andéol au point qu'il nous lâche pour le concours, on était très mal... J'avais déjà vu deux groupes qui n'avaient pas assez de membres se faire disqualifier depuis ce matin. Autant vous dire qu'à un quart d'heure de notre passage sur scène, j'étais complètement en panique.

Je n'arrivais pas à croire qu'Andy nous fasse ça, me fasse ça à moi. Oui je sais, j'ai dit que c'était de ma faute, mais ce n'est pas une raison. Que cherchait-il à prouver en nous faisant ce coup-là ? Qu'espérait-il qu'il se passerait après ça ?

Depuis les coulisses, je jetai un coup d'œil au public, pour la plupart des professionnels de la musique ou des familles des participants. Décorée dans un style alliant rock'n'roll et retro, la salle était conçue dans une architecture très intimiste avec un public amassé au plus proche de la petite scène. Ma mère et mon frère étaient là, avec Naël. Et parmi tous ces gens se trouvait surement un membre du Conservatoire de Paris... Mais quel espoir me restait-il si j'étais disqualifié ?

Plus que dix minutes avant notre tour... Andéol, je ne pourrais jamais te pardonner ce coup-là !

- Le voilà ! s'exclama Tony, me tirant de mon bouillonnent intérieur.

Je me retournai d'un bloc et aperçus Andy se frayer un chemin jusqu'à nous. Je fus aussitôt submergé d'une vague de soulagement.

- Merci, soupirai-je.

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