Fabbio (3)

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Je déteste les repas de famille. Pourtant, j'adore manger, croyez-moi, surtout quand c'est mia nonna qui cuisine ; sans déconner, ses bruschettas donneraient l'eau à la bouche à Bobby Sands. Également, j'aime ma famille, en particulier ma grand-mère et mon parrain italien préféré, Abramo.

Mais manger et ma famille... Les deux réunis, c'est l'enfer.

Sans déconner ; déjà, ça dure toujours une plombe : il est 17 heures passées et on en est encore au premier plat de résistance. Ensuite, j'ai beau adorer mon parrain, sa présence indique nécessairement que mon cousin Christian soit là aussi. Et c'est là que les choses se gâtent.

Christian a trois an de moins que moi, et une passion pour le moins envahissante : mon fêlé de cousin est passionné d'astronomie. Mais quand je dis passionné... C'est sans doute au-delà de tout ce que vous pouvez imaginer. Il étudie l'astronomie depuis ses cinq ans, projette déjà de devenir astrophysicien, collectionne les modèle réduit du système solaire, est membre de tous les clubs d'astronomie de la région, a une bibliothèque remplie de livres d'astronomie et... j'en passe. Ce gars respire littéralement l'astronomie.

Vous pensez que j'exagère ? C'est que vous êtes naïfs : je suis sans doute encore en-dessous de la réalité.

Bon après, vous me direz que ce n'est pas grave, qu'il ne fait de mal à personne. Je suis d'accord : en fait, j'adore les gens passionnés, ce sont toujours eux les plus intéressants à côtoyer. Et puis ne suis-je pas moi-même passionné de rock ?

Mais bon là, le problème, c'est que Christian ne sait parler que de ça ; et surtout il adore partager sa passion. Résultat, ça fait actuellement trois heures qu'il nous livre les dernières trouvailles en astrophysique des particules élémentaires (quelque chose dans ce gout-là). Et vous savez c'est quoi le pire ? Toute ma famille est pendue à ses lèvres ! À commencer par ses deux sœurs jumelles, Sophie et Julie, ses plus grandes admiratrices, postées de chaque côté de lui comme des lionne prêtes à réduire en lambeaux quiconque oserait interrompre leur frère.

Du coup, personne ne l'a encore interrompu. Depuis trois heures.

Voilà, maintenant vous imaginez le cauchemar ? Nan parce que je n'ai rien contre l'astronomie, mais à petite dose. Là, j'ai largement eu mon compte.

Je regardai ses parents : mon parrain, un homme adorable au sourire permanant ; et ma tante Adeline, une femme un peu hautaine et toujours sérieuse, pour laquelle ses enfants sont la plus belle réussite du XXIe siècle. Je n'ai jamais compris comment ses deux-là s'étaient retrouvés mariés. À voir leurs enfants, le sang italien et le sang français ne font pas toujours très bon mélange...

Bon ok, j'avoue, je suis un peu méchant avec mon cousin. Mais aller écouter sa conférence de cinq heures sur les satellites de Jupiter, et on verra ce que vous en dites.

Je grognai pour moi-même :

- Sérieux, je me demande quand est-ce qu'il va se trouver une copine celui-là...

Adriano se tourna vers moi avec une mine fatiguée :

- Il faudrait qu'elle soit aussi folle que lui.

J'acquiesçai :

- Si je reste une seconde de plus à l'écouter, je vais sans doute commettre un meurtre.

- Vise juste dans ce cas. Christian est juste à ta gauche.

- Ne t'en fais pas pour ça.

Je soupirai et sortis mon portable. Ça faisait trois heures que j'avais envoyé un message à Pierre, sans aucune réponse. J'hésitai entre la tristesse et la frustration, voire un subtil mélange des deux. Pierre a toujours été long à répondre aux SMS, en dépit du fait qu'il lâche rarement son portable, mais ces derniers temps j'ai l'impression que c'est de pire en pire. J'espère que ce n'est qu'une impression...

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