Chapitre 28

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Le son de la musique jaillissant faiblement des baffles de cette vieille radiocassette des années 1980 que ma mère adorait ne s'infiltrait en moi qu'à moitié. Assis pourtant face à celle qui m'avait donné la vie, je ne lui prêtais même pas attention, mon esprit était absent. Enfermé dans ma torpeur, ma mémoire vagabondait de souvenirs en souvenirs, de pensées en pensées.

Il y a à peine une semaine que j'allais parfaitement bien, oui mon âme allait encore bien, j'étais épanouie, je vaguais à mes occupations tranquillement. Mais à présent, pas une minute ne s'écoulait sans que j'y repense, je la revoyais en boucle. Une voiture, Maya, une collision brutale, et boom un accident. Un accident qui allait sûrement lui coûter la vie par ma faute.

Aujourd'hui était le septième jour et elle refusait toujours de se réveiller, son état critique ne voulait pas s'arranger. Elle allait probablement y rester et tout ça c'était à cause de moi. Si je ne lui avais pas parlé en ces derniers instants, elle serait encore là, bien portante.

*Flashback*

— Tu sais ce que tu es toi? Non, toi et tes semblables?
— Nous sommes quoi? Des menteurs? Des voleurs? Des ingrats? Des corrompus? Des moins que rien?

M'avait elle répondu le visage excédé, debout en plein milieu de la route elle usait de sa dernière patience avec moi.

— Non! Vous êtes des...

Mais cette phrase n'avait jamais abouti. Car en une seconde à peine, cette Hyundai sortit de nulle part était venue la percuter la faisant ainsi monter dans les airs avant de retomber brutalement par terre telle une poupée de chiffon.

*Fin du Flashback*

Horrible. Une scène horrible, voilà ce que s'était. Si je ne lui avais pas retenu, il ne lui serait rien arrivé. Assassin, c'est ce que j'étais à présent. C'était entièrement ma faute, même l'homme le plus malsain que je connaissais dans ma vie n'avait jamais tué quelqu'un. Oui, même ce barge de Leon Chiké qui avait ruiné ma famille n'avait jamais tué personne. Pire que lui, voilà la pensée horrifiante avec laquelle je vivais maintenant.

Savoir que j'étais plus mauvais que Léon me rendait malade. Quoi que je fasse, cette idée affreuse refusait de me quitter. Depuis sept jours maintenant elle hantait mes nuits, obsédait mes jours, elle en venait à se frotter à mon travail, mes conversations, où que j'aille, quoi que je fasse, cette réalité monstrueuse ne me lâchait pas. Elle épousait mon corps, remplissait ma cervelle, j'en agonisais, les remords augmentaient de jour en jour.

Moi je voulais bien me saouler afin d'oublier le temps d'une beuverie mes problèmes mais c'était impossible, car même lorsque je m'y osais comme ça été le cas le premier jour où le drame s'est produit, la vision de cette horreur devenait pire. Mes souvenirs arrivaient à sortir de moi et il venait se peindre telle une fresque morbide sous mes yeux. C'était affreux. J'étais courbé sous le poids de cette culpabilité aujourd'hui. Moi je n'avais jamais voulu tuer une personne, Dieu m'en était témoin.

Non, je n'étais guère un assassin. Mais il y a cette voix en moi qui me disait oui, que peut être que si, que peut-être que ma haine radicale pour les noirs, mon cœur noircit avait transformé mon âme me convertissant ainsi en meurtrier. Non non non je refusais de l'accepter, je n'étais pas ainsi, je le savais bien, tout du moins je le croyais très très fort. Et puis bordel je ne savais plus trop bien. Cette confusion me perturbait tant.

Encore quelque temps mes ressentis, mes sentiments étaient parfaitement clairs, mais maintenant, je ne savais plus rien. Pourquoi l'accident d'une noire me choquait autant? Pourquoi je ressentais ce que je ressentais?

Amour Vaillant Où les histoires vivent. Découvrez maintenant