Dans la forêt de Jean Hegland (épilogue)

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Je m'allongeai et m'endormis rapidement. Ce fut la chaleur du soleil matinal qui me réveilla. Je n'avais pas de programme précis, à part quitter ce lieu désaffecté. Je décidai de progresser vers le sud en direction d'autres villages pour voir jusque où l'épidémie s'étendait. J'ignorais combien de kilomètres il allait me falloir parcourir pour enfin me poser et commencer à vivre vraiment, épargnée par les tourments.

Le chemin que j'avais emprunté déboucha bientôt sur une voie communale. J'assistai à un spectacle stupéfiant: une longue file de femmes accompagnées de jeunes enfants déambulaient lentement. Ces personnes étaient munies d'un maigre bagage, emporté sans doute dans la hâte de fuir. J'eus beau scruter avec attention, je ne vis aucun homme dans cette foule.

La première du groupe, la meneuse visiblement, stoppa sa marche quand elle m'aperçut. Son visage amaigri et pâle trahissait son angoisse et son épuisement. Je m'approchai d'elle et lui demandai depuis combien de temps elles étaient sur la route ainsi. Elle me répondit que ça faisait deux jours qu'elles avaient quitté la ville et que j'étais la première personne qu'elles rencontraient. Elle leva la main à l'attention de ses compagnes en guise d'apaisement et toutes s'assirent sur le sol, soulagées de pouvoir bénéficier d'un repos tant attendu. Quelques enfants se mirent à pleurer. La plupart n'avaient pas plus de quatre-cinq ans. Je l'interrogeai pour savoir où étaient passés les enfants plus âgés. Une grimace de douleur défigura son visage et elle articula avec peine le mot <<quarantaine>>.

J'étais en train d'assister à une nouvelle exode qui me rappelait les images que j'avais vues à la télévision lors des émissions sur les guerres mondiales. La différence était que cette fois-ci, nul ne connaissait l'identité de l'envahisseur.

Je me mis en marche avec elles. Leur but était d'atteindre la mer. Là-bas, elles espéraient trouver des bunkers sur les plages où elles pourraient s'installer et rester isolées dans l'attente que le mal soit cerné et combattu.

Je n'étais pas certaine d'avoir la même foi qu'elles en l'avenir, probablement mon passé, mon histoire, mon vécu, trop de casseroles à traîner derrière moi. Je marchai donc, ignorante de ce que j'allais décider au bout de ce périple. J'avais perdu une chose importante en tout cas: la solitude. Bien entendu, je n'oubliais pas mes trois solides compagnons à l'abri dans mon sac.
<<Le présent n'est rien d'autre que le squelette du passé >> Agravelle ou l'envers du temps de Maxime Herbaut

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