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Elle

La pluie tombe à verse collant mes cheveux sur mon visage, j'ai beau les dégager, le vent les ramène aussitôt devant mes yeux. Je suis trempée, mais je refuse de m'arrêter, fuir est la meilleure solution. La nuit est sombre, seuls les lampadaires éclairent le trottoir que je peine à distinguer.
Mes pieds nus martèlent douloureusement le sol tandis que ma robe déchirée recouvre à peine mon corps meurtri. Je suis frigorifiée, complètement désorientée, je trébuche et manque de rencontrer le bitume à plusieurs reprises. Je ne sais pas comment j'ai réussi à lui échapper, mais une chose est sûre, jamais je ne remettrais les pieds chez lui. C'est terminé.

Je bifurque dans une ruelle encore plus noire, un raccourci que je n'aime pas emprunter, mais je veux rentrer chez moi rapidement. Lorsque j'arrive près de la petite place en pavé, j'aperçois un groupe de personne discuter entre eux. J'ai besoin d'aide et je croise les doigts pour qu'ils puissent me conduire au commissariat le plus proche. Porter plainte, voilà ce que je dois faire.

Alors que je m'apprête à aller à leur rencontre, une main se pose sur ma bouche, me forçant à reculer. Je me débats dans un premier temps, mais il m'enserre la taille avec son bras.

— Chut, ne fais pas de bruit. Tu vas tout faire foirer, chuchote l'homme qui me tient.

Je l'écoute et reste immobile. Il se cale dos au mur tout en me gardant contre lui. Mon cœur bat si vite et fort que j'ai le sentiment qu'on peut l'entendre à cent kilomètres à la ronde.

— Je vais retirer ma main de ta bouche, j'en ai besoin pour autre chose. Surtout, tu ne bouges pas d'un poil, tu ne cries pas, tu ne parles pas, bref, t'as juste le droit de respirer. D'accord ?

Son ton n'est pas autoritaire, au contraire il est calme et posé. Je hoche la tête pour acquiescer, alors qu'il libère mes lèvres. Je passe ma langue dessus, il gigote légèrement derrière moi et saisit quelque chose sur la poubelle à ses côtés. Lorsque j'aperçois ce qu'il tient dans sa main gauche, je manque de hurler, mais son bras droit se presse autour de ma taille m'intimant de ne pas laisser sortir un seul son de ma gorge.

— T'inquiète, il ne t'arrivera rien.

Je ne bronche pas et reste tranquille, je n'ai pas prévu de mourir ce soir, même si ma vie est un vrai fiasco. Je tourne la tête afin de voir à quoi ressemble cet homme, mais je tombe sur deux yeux sombres dont je ne distingue pas la couleur, son visage est recouvert d'une cagoule et la panique s'empare de moi. Je tente de me dérober, mais des coups de feu retentissent et me tétanisent.

— C'est parti, chantonne-t-il dans mon dos.

L'homme me décale sur le côté sans pour autant lâcher sa prise, puis j'aperçois son bras tenant son arme, qu'il dirige en vers la place. Lorsque les balles s'échappent de celle-ci, instinctivement je porte les mains à mes oreilles et ferme les yeux aussi forts que je le peux. Mon sang pulse dans mes veines, à tel point que je peux sentir les battements de mon cœur jusque dans mes tempes. La pluie tombe de plus en plus fort, comme si le temps participait également au chaos qui règne à cet instant. Je suis effrayée, je voudrais qu'il me lâche, mais dès que je tente le moindre mouvement, il me serre un peu plus contre lui.

Mes paupières finissent par s'ouvrir lentement, le silence est de mise à présent. Il n'en est pas moins rassurant pour autant.

— C'est OK, de mon côté, dit-il à voix haute.

— T'as tout déchiré, lui répond un homme au loin.

— Ouais, je sais, je suis le meilleur !

— On ne traîne pas trop les gars, ordonne la voix.

— J'arrive, juste un petit détail à régler et je vous rejoins.

Mon corps se tend à ces mots, un détail ? Il parle sans doute de moi. Contre toute attente, il me libère et je me tourne aussitôt vers lui, la peur au ventre. Son regard plonge dans le mien, il glisse ensuite sur ma silhouette avant de revenir sur mon visage. Même si je n'aperçois que ses yeux, je vois clairement qu'il est en colère. Je me mets à trembler de peur ou de froid, ou peut-être les deux.

— Qu'est-ce qui t'est arrivée ? demande-t-il durement.

Instinctivement, j'attrape les pans de ma robe déchirées et tente de cacher mon ventre dénudé. Je recule de quelques pas, prête à partir, mais il se rapproche.

— Rien, je...

Je bafouille lamentablement, je ne connais pas cet homme qui de surcroît vient d'abattre, de sang-froid, plusieurs personnes sous mes yeux. Je devrais fuir, pour la deuxième fois de la soirée, mais quelque chose m'empêche de bouger. Son arme qu'il tient dans sa main sans doute.

— Tu ? tente-t-il.

— Je peux y aller ou vous allez me tuer comme eux ? réussis-je à prononcer.

Il se met à rire en secouant la tête, je hausse les sourcils. Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle à ça. Je tourne brièvement les yeux où a eu lui la fusillade, plus aucun corps ne jonche le sol. Comme si rien ne s'était passé.

— Flash !! Ramène ton cul, bordel, t'es où ? Faut qu'on dégage de là.

Une voix masculine s'élève de la place. La pluie a cessé de tomber, je ne m'en suis même pas aperçu, bien trop troublé par ce qu'il vient de se dérouler sous mes yeux. Sa main gantée se lève vers mon visage, je suis tellement tétanisée que je n'esquive pas son approche. Son pouce glisse sur ma joue et je grimace lorsqu'il appuie dessus. Il penche la tête sur le côté et la colère qui émane de cet inconnu est palpable.

— Ne reste pas ici, les flics ne vont pas tarder à arriver. Prends un bain chaud et mets de la glace sur l'hématome en rentrant chez toi, dit-il doucement.

Sur ces mots, il disparaît sur la place en courant, un camion l'attend un peu plus loin. Il se tourne une dernière fois vers moi, puis il monte dans le véhicule qui s'enfonce dans la rue en face de la mienne.

C'est la soirée la plus étrange que j'ai jamais vécu

Rédempteur (Saga des Snake)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant