Rédempteur (Saga des Snake)

09

Flash

- Tu as les informations que je t'ai demandées ?

J'appuie ma hanche sur le bord du bureau où est installé le Hacker des Snake. Il pianote frénétiquement sur son clavier avant de se caler dans le fond de fauteuil. Il pivote vers moi et réajuste ses lunettes.

- Théa Farrell, vingt-huit ans, vient d'une famille de classe moyenne. Père vendeur de voitures, mère bibliothécaire, fille unique. Après ses études, elle a fait un stage chez Publicity Design où elle a été embauchée en tant que comptable. Pas de contraventions, pas de casier, quelques sorties dans un bar, toujours le même, pas de dépenses inutiles, elle paye toutes ses factures. La parfaite citoyenne, souffle-t-il.

- Un petit ami ?

- Je n'ai rien trouvé sur un quelconque homme dans sa vie.

- Tu es sûr, insisté-je.

- Elle a une vie monotone, Flash. Rien de transcendant sur les réseaux sociaux, quelques photos de paysages, des bouquins qu'elle lit et c'est tout. Le dernier cliché d'elle date de six mois.

Il appuie sur une touche et la brune apparaît sur son écran. Le contraste est saisissant, son regard bleu pétille, son sourire illumine son visage, elle respire la joie de vivre. Rien à voir avec la femme que je viens de quitter.

Quand je repense à l'état de son dos, ma mâchoire se crispe, elle gardera les cicatrices à vie, c'est certain. Je boue d'une rage identique à celle que je ressentais lorsque j'ai appris pour ma sœur. Nila était ma jumelle et elle avait la vie devant elle. J'avais remarqué un léger changement dans sa personnalité lors de nos échanges téléphoniques, mais ne vivant plus sous le même toit, il était difficile pour moi de deviner ce qu'elle cachait.

J'entends encore ma mère m'annoncer que Nila avait été retrouvée défigurée et dénudée dans la décharge du coin. Elle a été abandonnée comme un vulgaire objet que l'on ne veut plus. Elle a lutté sur ce lit d'hôpital, j'avais réservé le premier vol pour la rejoindre, mais une putain de grève m'a retenu et je suis arrivé que deux jours plus tard. Je l'ai à peine reconnu, son visage était tellement tuméfié qu'elle était méconnaissable. Je reste persuadé qu'elle a attendu que je sois auprès d'elle pour partir.

Depuis ce jour, je ne suis plus le même homme. Tuer est devenu un loisir, un plaisir malsain qui me met en transe. Ôter la vie à des connards me convient, et au fils de pute qui s'en prennent aux femmes encore plus. Je suis bien conscient que buter le bâtard qui frappe Théa ne ramènera pas ma sœur, mais ça fera une ordure de moins sur terre. J'en fais une affaire personnelle.

Une semaine est passée depuis que je me suis rendu chez Théa, les livraisons d'armes se sont enchaînées au fil des jours sans que je puisse m'assurer qu'elle va bien. Elle ne m'a pas non plus contacté, et je crois que c'est ce qui me dérange le plus. Elle subit sans demander d'aide ni se plaindre, alors qu'elle devrait. Cette femme chamboule mon cerveau depuis que je l'ai croisée ce soir-là, elle est belle, douce et l'envie de la protéger est un peu trop forte. Je me force à penser que c'est uniquement une histoire de vengeance, mais je sais que cela n'a rien à voir avec ça. Je ne l'ai rencontrée que trois fois, mais lorsque mes doigts se sont posés sur sa joue et que ses yeux bleus se sont ancrés aux miens, le désir de l'embrasser, de goûter ses lèvres roses m'a traversé l'esprit. Je lui ai menti en lui certifiant que je n'avais aucune arrière-pensée, je la veux, comme jamais je n'ai voulu aucune autre femme.

La camionnette se gare près d'une usine désaffectée, ce qui me ramène à la réalité en une fraction de seconde. Carlton a eu un nouveau contact et pour cette première négociation, il me veut en première ligne, comme souvent.