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Flash

J'ai laissé Théa tranquille le reste de la journée, je lui ai simplement demandé d'informer Marc de son absence pour quelques jours. Si au début, elle a de nouveau râlé, elle a fini par accepter. J'attends des nouvelles de Lex afin de nous rendre chez ce connard de Garrett. J'ai interdiction de mettre le bazar chez lui, nous y allons juste pour faire un repérage des lieux. Néanmoins, ça ne m'empêchera pas d'être armé, au cas où et si je peux le buter, je ne vais pas me gêner. Tant pis si Carlton me fait la morale ou récupère mon entreprise, j'en ai rien à foutre.

J'observe le toit de l'immeuble d'en face, un réflexe dont je me passerais bien. Je ne me sens plus en sécurité chez moi, ce mec m'a prouvé par deux fois qu'il était bien plus malin que je le pensais. D'abord chez Théa et ensuite cette photo de ma mère. Je n'ai plus qu'elle et même si elle est entrée dans un monde qui lui appartient, je lui rends visite régulièrement. Je ne sais pas si ma génitrice me reconnaît, je ne sais pas si elle entend ce que je lui raconte, mais cette femme qui m'a mis au monde est encore là et a dû essuyer deux décès en trois mois. Cela l'a faite tomber dans une dépression profonde, puis un refus d'affronter la réalité. Cette femme qui était douce, prévenante et pleine de vie n'est plus que l'ombre d'elle-même. Je n'ai plus entendu le son de sa voix depuis cinq ans, son regard vide est flippant, pourtant je reste persuadé que lorsque je lui annoncerai que celui qui a tué Nila est mort, elle reviendra. Les médecins me disent le contraire, mais je fais l'autruche refusant qu'ils aient raison.

Mon front appuie sur la vitre, me remémorer la descente aux enfers de ma mère ne m'aide pas à y voir clair. J'ai tenté de la soutenir, j'étais aussi dévasté qu'elle lors de la perte de ma jumelle. Voir même plus, on m'enlevait une partie de moi, de mon âme et mon Dieu, la douleur a été tellement insupportable que j'ai cru mourir avec Nila. Quant à mon père, lui n'a rien trouvé de mieux que de la suivre quelques semaines plus tard.

Le lâche !

Mon poing se pose près de ma tête, l'envie de taper dans la vitre me démange ; or je me retiens. Je ne suis pas sanguin ni impulsif, je sais me maîtriser, pourtant ces derniers temps, je me sens plus nerveux, arrogant. J'ai dû mal à faire la part des choses entre la mort de Nila et les sentiments que j'éprouve pour Théa. Je n'ai aucune idée de s'ils sont réels ou non tant tout est confus dans ma tête.

Un cri à faire froid dans le dos résonne dans mon appartement, je me précipite sans plus attendre dans ma chambre. J'y découvre Théa en pleure, les mains tremblantes peinant à tenir son téléphone entre ses doigts. Je m'en saisis, une simple adresse est écrite.

- À qui appartiennent ces coordonnées ? demandé-je froidement.

- Mes parents, sanglote-t-elle.

Je tape aussitôt une réponse.

[Qu'est-ce que tu veux, connard ?]

[Te détruire encore un peu plus... Matthew Walsh]

Je ne comprends pas son message, ce mec se joue de moi et je n'en connais pas la raison. Si au départ Théa était son terrain de jeu, j'ai le sentiment que les règles ont changé.

[Montre-toi, alors !]

[Non, c'est tellement jouissif de jouer avec tes nerfs.]

Un sourire sombre étire mes lèvres.

[As-tu au moins joui une fois dans ta vie avant que l'impuissance ne te gagne ?]

Plus de réponse, je redonne son téléphone à Théa qui est terrorisée. Je m'assois auprès d'elle et l'attire contre moi. Elle se laisse faire, elle pleure sans pouvoir s'arrêter. Ma paume caresse son dos de haut en bas, je colle ma tête contre la sienne.

- Il n'arrivera rien à ta famille.

Elle se dégage de mon étreinte et me repousse avec force. La colère déforme son visage, je fronce les sourcils ne saisissant pas ce changement soudain. Elle se lève d'un bon, me tourne le dos avant de me faire face.

- Depuis des jours, tu me rabâches de te faire confiance, que personne est en danger, que tu vas t'occuper de lui. Tu es même prêt à le tuer s'il le faut d'après ce que j'en comprends, mais à part ça, tu ne me dis rien. Il a envoyé une photo de ta mère et toi tu restes tranquille à te préoccuper de moi au lieu d'elle ?

Sa voix part dans les aigus et j'en suis stupéfait, je ne l'imaginais pas perdre son sang-froid de la sorte. C'est pourtant compréhensible, mais elle ne s'arrête pas là.

- Après mes parents, il va menacer qui ? Hein ? Dis-moi, Matt ! hurle-t-elle.

Je reste sans voix devant sa colère. Je tente de la ramener à moi, mais elle esquive mon geste.

- Tu dois savoir ce que ça fait de perdre un proche ? Ta sœur, ton père ? Moi, je n'en ai aucune idée et je ne veux pas en avoir une !

Oui, je sais ce que ça fait et si je peux lui épargner de vivre ça, alors je le ferais. Même si j'ai conscience que c'est la colère et la peur qui l'a fait parler de la sorte. Je tressaille lorsqu'elle évoque cet homme qui nous a abandonnés de la façon la plus sordide qui soit. À bout de nerfs, j'explose à mon tour, j'en ai marre de tout garder pour moi.

- Oui, mon père n'est plus de ce monde, craché-je. Ce lâche n'a pas eu le cran de soutenir ma mère à la mort de Nila, alors il a décidé d'en finir avec la vie. Il n'a pas eu les couilles de surmonter tout ça, il m'a rejeté, renier durant ses trois putains de mois avant qu'il ne mette fin à ses jours. Et tu sais pourquoi, parce que je lui rappelais trop Nila. Voilà pourquoi, je ne me rends jamais dans sa maudite boîte, voilà pourquoi j'en ai rien à foutre qu'elle coule ou de ce qui s'y passe. Il a même délaissé sa femme, il l'a vue dépérir un peu plus chaque jour, rongée par le chagrin sans lever le petit doigt. Et un matin, ma mère l'a découvert baignant dans une baignoire remplie de son propre sang !

Essoufflé et ne supportant plus le regard de pitié de Théa au fil des mots qui sortent de ma bouche, je quitte la pièce en claquant la porte derrière moi. Je veux qu'elle comprenne que je ne souhaite pas discuter davantage. Je prends la direction de l'autre chambre et m'installe sur le lit. Je m'emporte rarement, sauf lorsque mon père est évoqué, là je perds tous mes moyens parce que je lui en veux de nous avoir fait subir sa disparition juste après celle de ma sœur. C'est un putain d'égoïste qui n'a pensé qu'à sa gueule. Après ça, j'ai dû me résoudre à hospitaliser ma mère dans un institut spécialisé, je n'arrivais plus à faire face à ces besoins.

- Matt ?

Assis sur le lit face à la fenêtre, je ne me tourne pas pour regarder Théa. Je l'ignore dans l'espoir qu'elle quitte la pièce. Je ne lui en veux pas directement, elle n'y est pour rien et ses questions sont légitimes. Pourtant, je ne peux me résoudre à lui révéler qui je suis vraiment. Pas encore, et sûrement jamais d'ailleurs. Je dois mettre de la distance, la considérer comme une victime que Carlton m'autorise à garder chez moi, sans doute pour de mauvaise raison.

- Laisse-moi, Théa.

- Avoue que tu es plutôt un homme mystérieux, insiste-t-elle en reniflant.

- Je ne dis pas le contraire, avoué-je.

Je perçois ses pas feutrés venir jusqu'à moi, je me raidis lorsque sa main se pose sur mon épaule.

Mettre de la distance.

- J'ai besoin d'être seul, murmuré-je.

Son bras tombe le long de son corps, puis elle fait volte-face sans un mot. Du coin de l'œil, je la regarde s'éloigner, et au moment où elle franchit la porte, un bruit de verre brisé ce fait entendre, puis un autre. Lorsque je tourne la tête vers la fenêtre en face de moi, c'est au tour de celle-ci de céder.

Rédempteur (Saga des Snake)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant