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Elle

La pluie a laissé place au soleil, je n'ai pas fermé l'œil de la nuit. Dès que mes paupières se baissaient, je revoyais les yeux de cet homme. Un frisson parcourt mon corps, il a tué sans aucune hésitation et il semblait même fier de lui. C'est effrayant.

Je me lève pour prendre mon petit déjeuner. Une fois dans la cuisine, je grignote un petit gâteau sans grand appétit. J'avale la dernière bouchée avec difficulté avant de rejoindre la salle de bain, afin de me préparer. Après une bonne douche chaude, je suis devant le miroir pour affiner mon maquillage en insistant sur ma pommette rougie. Elle n'a pas gonflé comme je le pensais, en rentrant j'ai bêtement écouté les conseils de l'inconnu en posant de la glace dessus et ça a l'air d'avoir fonctionné. Je n'aurais pas à m'expliquer au bureau sur cette marque, les autres sont cachées par mes vêtements donc aucune chance qu'elles attirent l'œil. Je respire un bon coup, et me rassure comme je peux en me disant que celui qui m'a fait ça n'osera pas s'en prendre à moi en plein jour. Mais une fois la nuit tombée, il en sera autrement, je sais qu'il fera tout pour me mettre à genoux et obtenir ce qu'il veut de moi.

Lorsque je passe les portes de l'immeuble dans lequel je vis, je hèle un taxi. Il est plus prudent que je m'y rende ainsi plutôt qu'en bus. Arrivée sur mon lieu de travail, je vérifie une dernière fois mon reflet dans mon miroir de poche, avant de franchir les portes, tout est parfait. J'avance jusqu'à l'entrée, la vitre coulisse devant moi, je scanne mon badge et pousse le portique métallique.

Ce lieu est une vraie forteresse, tellement sécurisé que la banque au coin de la rue c'est de la rigolade à côté. D'un signe de tête, je salue la réceptionniste, et rejoins l'ascenseur avant qu'il ne se referme. Les endroits confinés me rendent nerveuse, mais monter trente étages en talon ne m'enchante pas, surtout que mes pieds souffrent encore le martyre de ma course folle d'hier. Lorsque les portes de cette boîte métallique s'ouvrent, je ne perds pas une minute et me précipite à l'extérieur.

À peine arrivée dans mon bureau que ma secrétaire entre à ma suite. Elle me résume la journée qui m'attend. C'est l'heure du bilan de l'année et je dois communiquer les chiffres devant chacun des actionnaires qui gèrent l'entreprise et autant dire qu'ils ne sont pas extraordinaires. Ayant un PDG fantôme qui se moque royalement de sa société, ou plutôt de celle de son défunt père, il est difficile de faire comprendre aux autres que nous allons bientôt être dans le rouge. Perdre mon emploi serait la pire des choses qui pourraient m'arriver et je n'ai nullement besoin de ça actuellement. Je soupire et m'installe sur mon fauteuil.

Un sourire apparaît quand, Beth entre dans mon bureau avec deux cafés en main. Elle est la seule personne à qui je parle ici. Quelquefois, quand je le peux, nous sortons boire un verre dans le pub du coin. Elle me fait rire et lorsque nous passons du temps ensemble, j'oublie parfois la vie laborieuse que je mène et ça fait du bien.

— Bonjour, alors prête à affronter les chefs ?

— Ne m'en parle pas, je ne sais pas comment je vais leur expliquer tout ce foutoir. En même temps, les clients filent chez la concurrence puisqu'ils sont moins chers. Quel gâchis... soupiré-je.

Je travaille pour cette société de publicité depuis huit ans, j'en avais vingt quand j'ai commencé mon stage en comptabilité, ils m'ont gardé et aujourd'hui je suis la directrice financière. Pas le meilleur des jobs quand il faut annoncer une mauvaise nouvelle.

— Peut-être que ça fera bouger le cul du big boss, répond-elle en haussant les épaules.

— Je n'y crois pas vraiment. Il n'a jamais mis les pieds ici. Je ne sais même pas à quoi il ressemble et il n'y a rien sur lui sur internet. Aucune photo, à croire qu'il n'existe pas et que tout ceci n'est qu'un leurre.

— Tu as fait des recherches sur lui ? ricane mon amie.

— Oui, je voulais voir sa tête. Ça fait de moi une psychopathe ? grimacé-je.

— Non, j'ai fait pareil et sans succès aussi.

Je soupire en voyant ma secrétaire m'informer que la réunion va commencer. J'attrape mes dossiers, Beth m'encourage et je me dirige vers la fosse aux lions. Me retrouver devant eux est un stresse pour moi. Je suis assez discrète et devoir parler en société a toujours été un exercice difficile.

La réunion se termine enfin, le constat est réel et ils en ont bien tous conscience. L'homme sur qui tout repose m'a promis de contacter le PDG dès aujourd'hui, afin de l'informer de cet état. Je doute sincèrement que cela change quelque chose, s'il en avait seulement quelque chose à faire, il se trouverait ici à l'heure actuelle. Sans doute est-il trop occupé à voyager avec son héritage.

Je quitte la salle, il est déjà l'heure de déjeuner. Je passe par le bureau de Beth, ce dernier est vide. Alors je décide d'aller prendre un sandwich dans le snack juste en face, ça suffira pour aujourd'hui. J'attrape mes affaires dans mon bureau et monte pour la seconde fois de la matinée dans l'ascenseur. Je me dandine d'un pied sur l'autre en priant pour qu'il ne s'arrête pas entre deux étages. Je suis ravie de voir que mes prières ont été entendues.

Je répète le même rituel qu'en entrant pour sortir. Une fois sur le trottoir, je reste tétanisée. Il est là, adossé à sa voiture. Je déglutis difficilement et je recule lorsqu'il s'approche d'un pas rapide. Je n'ai pas le temps de faire demi-tour que ses doigts emprisonnent déjà mon bras. Je grimace lorsqu'il resserre sa prise.

— Théa, tu ne pensais tout de même pas m'échapper comme ça, dit-il d'une voix sombre.

— Tu me fais mal, Garret.

De son autre main, il capture mon menton et relève ma tête. Il cherche la marque sur mon visage, cet homme est un malade. Les coups doivent être visibles de tous pour montrer qu'une femme lui appartient, de ce fait, il s'assure que personne ne l'approchera. Mentir à mes proches, c'est que je fais depuis six mois maintenant. Depuis que j'ai croisé Garret dans ce taxi dans lequel il s'est empressé d'entrer avant qu'il ne parte, alors que j'étais déjà installée dedans. Je le soupçonne d'ailleurs d'avoir manigancé à l'avance.

Au début, il s'est montré doux, attentif, charmeur, il me couvrait de cadeaux, tous plus beaux les uns que les autres. Et en trois semaines de temps, tout a basculé. Il est devenu violent pour quelque chose dont je ne suis pas fautive, alors il me gifle, me frappe. Si je n'obéis pas, les coups pleuvent, alors je m'exécute sans broncher. Malheureusement, cela ne change rien. Hier soir, lorsque ma joue a rencontré la table, j'ai pris conscience que c'était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Alors, à mon tour, je l'ai tapé avec une force que je ne me connaissais pas, il a trébuché et j'en ai profité pour partir. Je savais que ma pause serait de courte durée, lui échapper est impossible.

— Ce soir, soit prête à vingt heures, des amis viennent dîner. Et ne t'avise plus de me fausser compagnie quand je ne te le demande pas, éructe-t-il.

Ce n'est pas une question, avec lui, je n'ai pas le choix. Il exige que je sois présente sans même avoir mon avis. Je hoche la tête et il dépose ses lèvres sur ma joue meurtrie, en prenant soin d'appuyer dessus, avant de s'éloigner. Puis, il remonte dans sa voiture et s'en va. Je reste un instant sur le trottoir. Je n'ai plus d'appétit, alors, je retourne dans le bâtiment, avec cette boule au ventre qui ne me quittera pas temps que je ne serais pas dans mon lit, chez moi. 

Rédempteur (Saga des Snake)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant