Chapitre 8

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26 mai 2014

Je déglutis et essuie mes joues. Je suis plantée devant sa porte d'entrée depuis dix minutes et je n'ai toujours pas trouvé le courage de sonner, parce que j'ignore ce qu'il va se passer quand il ouvrira. Il va me détester, c'est obligé, et rien que cette pensée me fait pleurer de plus belle.

Pourtant, je parviens enfin à trouver je ne sais où le courage d'appuyer sur la sonnette et, comme chaque fois que j'appréhende, il me semble qu'il met deux heures à venir m'ouvrir. Mais, à l'instant où la porte s'entrebaille à peine, je me jette sur lui, j'ai besoin de le sentir contre moi. Alors mes bras s'enroulent autour de son torse pour le serrer contre moi le plus fort possible et ma tête se pose d'elle-même sur son buste.

- Eli ?, il balbutie, surpris, la voix encore endormie. Qu'est ce qu'il se passe ?

- Je veux pas partir Ken, je veux pas être loin de toi.

Je parle trop vite, je bafouille et je suis certaine qu'il sent bien que mon corps entier est secoué par mes sanglots. Ses bras se referment autour de moi à l'instant où il referme la porte.

- Quoi ? J'ai fait quoi ? Partir où ?, il demande, perdu. Je comprends rien...

- T'as rien fait Ken, c'est moi... Je pensais pas être prise je te jure, j'ai pas fait exprès..., j'implore pour tenter de m'expliquer en vain.

- Ok, stop.

Il m'attrape par les épaules et me décolle de lui pour pouvoir plus facilement me guider jusqu'au salon. Il me fait asseoir dans le canapé, s'éclipse et revient avec un verre d'eau et une boîte de mouchoirs. Il me force à boire et à me moucher avant de se retourner vers moi.

- Arrête de pleurer, Eli, et explique moi calmement.

- Tiens., je souffle en sortant une lettre de la poche de mon sweat. Tu comprendras mieux si tu lis ça.

Je baisse les yeux quand ses doigts se saisissent du papier. Le silence qui suit me brise le coeur en une infinité de morceaux, parce que c'est là le moment où il va m'engueuler, j'en suis certaine. Et je l'aurais clairement mérité.

- New York ?, il bredouille en fronçant à peine les sourcils. Attends, t'as été acceptée là-bas ?, il demande et je hoche la tête, honteuse.

- Mais je te jure que je pensais pas que la réponse soit positive, je voulais juste tenter le coup et puis maintenant ils ont dit oui et..., plus j'avance dans mes explications et plus je parle vite et mes larmes refont leur apparition. Je veux pas partir loin de toi., je le supplie.


Je ne sais pas ce que je dois déduire du regard qu'il me lance. Je soupire et baisse une nouvelle fois la tête, peinant à calmer mes sanglots. Il met quelques secondes à réagir et je perds un peu plus mes moyens à chaque instant.

- C'est pour ça que tu m'as rien dit ?, il marmonne et je hoche la tête en attrapant un mouchoir. Calme toi, c'est... C'est pas grave., il m'assure, l'air tout de même hésitant. T'as une opportunité de fou, Eli, tu ... Tu peux pas reculer maintenant., il termine et l'intonation de sa voix me laisse entrevoir l'émotion qui le traverse.

- Bah si, je dis que je suis pas intéressée et je reste près de toi., je propose précipitamment. Tu comprends pas Ken, c'est un cursus de deux ans. Je sais pas si je suis capable de passer deux ans sur un autre continent que toi., je balbutie entre mes larmes.

- J'ai très bien compris, Eli, mais..., il fait une pause, déglutit puis reprend. Tu m'as toujours poussé à donner le meilleur de moi même et j'ai pas le droit de te dire de rester ici alors que le mieux pour toi et pour ton avenir c'est de partir.

- Mais t'aimes même pas les journalistes.

- Mais toi je t'aime, c'est pas pareil. Tu feras en sorte que ça change.

Il sourit doucement et mes lèvres s'étirent presque imperceptiblement. J'aime ce gars plus que tout au monde et l'entendre me murmurer ces mots, ça remue tout en moi à chaque fois. On se regarde longtemps sans rien dire de plus. Peut-être que ça suffit, peut-être que l'on n'a pas besoin de se faire plus de mal en en parlant davantage.

- Ca va être compliqué, Eli, mais on y arrivera., il finit par marmonner et je me penche pour l'embrasser doucement.

- Tu sais, je suis heureuse de voir que tu es si compréhensif mais j'arrive pas à réaliser que dans 2 mois je suis plus là..., je balbutie. T'es le meilleur Ken.

- Dis pas ça..., il soupire et m'attire vers lui pour me serrer fort contre son torse. On survivra., il tente de me rassurer mais je sens dans le son de sa voix que quelque chose cloche.

- Attends., je fronce les sourcils, me détache de lui pour lever mon regard vers le sien et mes larmes coulent à nouveau. Comment tu veux que je te croie si toi aussi tu te mets à chialer, on est vraiment un couple de fragile, vas y j'aurai dû me mettre avec Mek.

- Tais toi au lieu de dire de la merde., il râle mais ne bouge pas quand je passe mon pouce sur ses joues pour essuyer ses larmes.

Le silence retombe autour de nous, et mon cerveau carbure à plein régime. J'ignore si on parviendra à tenir la distance mais j'ai envie d'y croire parce que je ferais tout ce que je peux pour que ça fonctionne. Alors, je m'assois à califourchon sur ses cuisses. Je plonge mon regard dans le sien et le bout de mes doigts caressent sa joue tendrement.

- On y arrivera., je lui assure en me penchant pour l'embrasser encore.

- On part ?, il demande brusquement. T'as des vacances bientôt, viens on part.

- Seulement si tu m'emmènes à la mer., j'accepte après avoir fait semblant de réfléchir quelques instants.

- Ok, prépares ton passeport bébé.

J'éclate de rire, amusée par ce surnom débile. Je crois que je suis heureuse à chaque moment que je passe avec lui. Il parvient à rendre tout plus beau, même quand je débarque chez lui en larmes. Finalement, il me rappelle que je l'ai empêché de terminer sa grâce mâtiné et je souris de plus belle lorsqu'il m'entraîne avec lui dans le canapé pour que l'on s'allonge blottis l'un contre l'autre.

Combien de fois ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant