Chapitre 16

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8 juin 2015

Je ne sais pas par où commencer. Il m'a laissé entrer, il m'a même servi un verre d'eau que j'ai attrapé d'une main tremblante. Puis, dans le silence le plus complet, il s'est simplement assis dans le fauteuil, patiemment. Il me faut boire la moitié de mon verre pour reprendre mon souffle et me vider quelque peu la tête. Seulement là je me sens capable de relever mon regard vers le sien.

- J'avais pas entendu la fin., j'avoue alors, la voix étranglée.

- Je sais., il murmure. J'avais compris parce que tu ne faisais que gueuler sur moi à prétendre que... T'es pas spéciale., il penche la tête sur le côté.

    Je déglutis et termine mon verre d'une traite. C'est une situation qui me met mal à l'aise, parce que bientôt on va être obligés de dire ce qu'on ressent et ça finira forcément par nous faire mal. Parce que quoi qu'il arrive, je vais devoir repartir après les vacances. Mon esprit cherche de quoi m'échapper, une idée pour me sortir de tout ça.

- T'es spéciale, Eli., il lâche alors, coupant court à ma réflexion.

- Arrête., je murmure, espérant le faire taire.

- Que j'arrête quoi ?, il fronce les sourcils. On va se mentir combien de fois avant d'avouer qu'on n'a pas oublié, hein ?

    Je détourne le regard. Je n'ai pas envie qu'on parle de ça, ni de ce qu'il sous entend dans cette chanson. Je préfère me leurrer parce que, si on en parle, mon départ ne sera que plus difficile. Pourtant lui il a l'air d'avoir envie d'en parler et je ne suis pas certaine de pouvoir supporter ça.

- Un an, Ken., je lui souffle. Juste un an.

    Il secoue la tête et, lorsque son regard se heurte au mien, je ne parviens pas à retenir une larme de couler. Je l'essuie d'un geste mais je sais qu'il l'a vue, j'espère juste qu'il ne parlera pas plus que ça. Le silence est déjà bien trop douloureux, mais c'est ça ou pire, alors on va serrer les dents et attendre que ça passe.

    Enfin, c'est ce que je préfèrerai faire. Pas lui, apparemment, puisqu'il soupire en se laissant tomber dans le dossier du fauteuil. Je ne sais pas quoi faire quand il baisse les yeux, je sens que quelque chose ne va pas et je crois que j'ai peur de chercher à en savoir plus. Mais je ne peux pas le forcer à se taire et ce serait incorrect de ne pas l'écouter.

- Je suis pas sûr de tenir plus d'un an, Eli., il souffle alors en se grattant le menton.

- Tu veux qu'on arrête ?, je demande brusquement.

- Non, c'est juste ..., il soupire et relève les yeux.
Laisse tomber. On parlera de ça l'année prochaine.

    Je hoche doucement la tête en comprenant que cette situation pèse sur ses épaules autant que sur les miennes. Par moments il m'arrive de penser que tout serait plus simple si on prenait la décision de s'arrêter là, mais j'ai tenté de le faire une fois. C'était trop douloureux, et je n'imagine plus une seconde un monde où je devrais me contenter d'être seulement son amie.

    Pour le lui signifier, je ne trouve rien de mieux à faire que de me lever du canapé pour le rejoindre. Je m'installe à califourchon sur ses cuisses et, pour la première fois, je le sens réticent. Le bout de ses doigts glisse sur le tissus de mon pantalon, son regard évite le mien jusqu'à ce que je caresse sa joue lentement.

- Je ne veux pas que tu sois mal, Ken., je lui assure.

- C'est sans issue pendant encore un an, et tu le sais bien., il remarque et le ton qu'il emploie me blesse. De toutes manières je dois te regarder partir.

Combien de fois ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant