Chapitre 14

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30 mai 2015

Mon regard se perd à travers le hublot. Le soleil vient à peine de se coucher mais je parviens malgré tout à distinguer les formes de la capitale sous mes pieds. Et j'ai hâte. J'ai hâte d'atterrir, de retrouver ma ville, ma famille, mes amis, hâte de rentrer chez moi. Je sais bien qu'ici il y a toujours quelqu'un m'attend et que, quoi qu'il arrive, j'aurais ma place. Et puis, je sais que cette nuit, je ne la passeais pas seule, et rien que penser à la retrouver, ça me fait sourire.

    Une fois descendue l'avion, après avoir récupéré mes bagages, j'attrape un taxi pour moi rendre jusque dans le XVe, celui de mon enfance. Le trajet me semble durer des heures mais, quand mon chauffeur me dépose enfin à l'adresse que je lui ai indiqué, je lui tend quelques billets avant de descendre de la voiture. Un digicode et trois étages plus haut, je m'arrête devant la porte de gauche. La musique que j'entends du couloir ne laisse aucun doute, mes amis sont probablement tous réunis ici.

    Alors je passe la porte qu'ils ont laissé ouverte, je longue l'étroit couloir et j'atterris directement dans la pièce à vivre. Je reste là quelques secondes pour les observateurs un à uns. C'est toujours bizarre de revenir et de constater que quelques uns ont décidé de laisser pousser leurs cheveux, que d'autres ont pris du muscle et que certains ont pris un peu de poid. Mais, au fond, tout ce que je cherche, c'est m'imprégner de l'ambiance parce qu'après tout, ça fait du bien de revenir à la maison. Aucun n'a remarqué ma présence pour le moment alors je me glisse le long du mur pour débrancher l'ampli d'Eliott. D'un coup, plus un bruit, plus un rire et tous les regards se tournent vers moi, hagards.

- Salut les gars.

    La surprise sur leurs visages me fait doucement sourire. Chaque fois que je suis revenu, je prenais toujours la peine de prévenir Moh, pour qu'il vienne me cherche à l'aéroport, mais comme il n'est vraiment pas le roi de la discrétion, les trois quarts de la bande finissait toujours par être au courant de mon retour. Cette fois-ci j'avais envie de leur faire une vraie surprise. Pour eux, j'étais sensée ne rentrer que dans un mois, alors personne ne m'attendait ce soir. Mais les vacances d'été ont commencé beaucoup plus tôt aux États-Unis, c'est ainsi que je me retrouve devant eux.

    Tous mes amis finissent par sortir de leur torpeur pour venir me prendre dans leurs bras, même Zoé qui déteste ça d'habitude. Elle me menace au passage, me faisant promettre que je lui accorde une journée complète à elle seule avant que je ne reparte. Puis, quand vient le tour de mon meilleur ami, lui il préfère en profiter pour me glisser à l'oreille quelques mots qui me font sourire.

- Si tu savais comme tu m'as manqué.

- Toi aussi Moha, tu n'imagines pas., Je souffle en resserrant un peu plus mes bras autour de lui.

    Je n'ai jamais vraiment su pourquoi j'ai toujours été plus proche de Mohamed que de n'importe qui dans la bande. C'est le seul, avec Zoé, qui ne me juge pas quand je fais de mauvais choix ou des erreurs. Il me protège sans jamais m'étouffer et il a prouvé par mille fois c'est un allié hors paire pour mes missions commando en quête de ragots.

    Il me manque au quotidien, lui aussi, parce que je ne pourrais jamais trouver un autre ami comme lui. Alors ce sont les autres qui sont obligés de forcer pour que je me sépare de lui.

- Bon, petite tête, cette école est toujours aussi incroyable?, Me demande Id ', un peu moqueur.

    Je lève les yeux au ciel. Je sais très bien que la plupart de mes amis ont toujours un peu en travers de la gorge ma décision de partir faire mes études loin des. Pourtant, ils savent que c'était une occasion en ou qu'il aurait été débile de refuser. La plupart du temps, ils se contentent de petits photos parce qu'ils ne veulent pas tant que ça, du moins j'ose l'espérer.

    Il est question de mon avenir, et, même si chaque fois que je pars j'ai l'impression de laisser une partie de moi en France, je sais que la seule manière de réaliser mes rêves c'est de terminer ce cursus. Et ça, ils peuvent tous très bien le comprendre.

    C'est assis à même le sol, adossée contre un mur de manière à faire face à tout le monde que je commence à raconter ma vie d'expatriée. Je leur fait des monologues à chaque fois que je reviens, mais chaque fois qu'ils me demandent une tonne de questions pour me pousser à en dire plus. Et puis il y a Moha, et tout ce qui semble l'intéresser c'est de savoir si je peux lui présenter mes quelques amies qu'il semble avoir repéré sur Instagram.

    La soirée se termina quelques heures plus tard comme elle avait sûrement commencé, dans les rires et la bonne humeur. Je crois qu'on est tous heureux de voir le groupe enfin au complet. Puis, un à uns, tous mes amis rentrèrent chez eux et, même si je ne les ai pas vu depuis des semaines, je souris en refermant la porte après avoir raccompagné Zoé et Deen, les derniers à quitter l'appartement.

    Il ne reste alors plus que moi et le propriétaire des lieux que je rejoins à la hâte. Il m'attendait sur le balcon et, en m'asseyant sur la chaise près de la sienne, je ne peux m'empêcher de le détailler de la tête aux pieds. C'est indéniable, il m'ensorcelle. D'un geste j'attrape la cigarette coincée entre ses lèvres et pneu longuement dessus avant de l'écraser dans le cendrier.

- T'es sérieuse, elle était à peine entamée!, Il râle doucement.

- Je m'en fous.

    Mon insolence le fait ricaner comme toujours, parce qu'il s'est habitué au fait que je lui tienne tête. Je crois qu'au fond je fais ça pour lui prouver qu'il n'aura jamais le contrôle sur moi. Peut-être que je me leurre.

- Tu sais., Je commence. Je suis contente d'avoir pu revoir toute la bande mais ce n'est pas pour ça que je suis là.

Ah ouais?, Il me demande, un sourire en coin au bord des lèvres. Et c'est pour quoi alors?


    Lorsque mon regard se tourna à nouveau vers lui, il me regardait déjà. Ma main se glisse d'elle-même dans la sienne qui reposait sur son accoudoir. Il ne lui en faut pas plus pour m'attirer vers lui et je m'assois sur ses genoux comme à mon habitude. On est si proche que je sens son souffle caresser mon visage, il passe son autre main sur ma chute de reins.

    Je frissonne lorsque ses phalanges glacées se dissident sous mon pull jusqu'à poser sur la paume fraîche contre ma peau. Mes yeux sont plongés dans les siens, intensément, plus rien d'autre ne compte autour de nous. Je suis hypnotisée par tout ce que j'arrive à lire dans son regard et j'ai trop peur que ça disparaisse si je détourne le mien.

- Tu sais, tu m'as manqué., Je lui souffle tout bas.

- Alors ne pars plus.

    Et, pour toute réponse, je me penche sur lui pour embrasser ses lèvres.

    Cette nuit là, elle est comme toutes les autres nuits de retrouvailles que l'on a pu vivre cette année. Nous nous donnons l'un à l'autre avec passion et dévouement. Parce que comme fond, on sait que tout ça ne durera qu'un temps. Peu importe l'alchimie flagrante entre nous, peu importe l'amour que l'on peut bien partager, dans quelques jours nous serons obligés de nous dire au revoir.

    Au revoir. Jamais Adieu.

Combien de fois ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant