L'unité Coyote

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16 Avril 2018, Vlora, Albanie.

Marko était un grand gaillard. Penchant vers la quarantaine, il restait un brave homme tant par sa carrure que par ses cicatrices qu'il avait amassé durant toute sa vie de tireur d'élite. C'était un blond aux cheveux en bataille, armés d'yeux bleus comme l'océan agrémentés d'un regard profond et d'un nez en trompette sous lequel résidait une barbe grise de dix jours.

Sa forme physique et sa discipline qu'il avait acquis auparavant, lui étaient désormais utiles pour son métier de poissonnier. Les moult coups de couperet et les grandes caisses pleines de fruits de mer semblaient l'occuper toutes ses journées. Vlora étant une ville baignant au bord de la mer, sa peau avait fini par rougir au fil des années passées sous ce radieux soleil. Ce dernier contrastait avec les féroces intempéries qui déferlaient dans la baie pendant la période hivernale.

Il était aux alentours de neuf heures de la matinée lorsqu'il vit son fils, Alexey, s'approcher de sa large étale pleine à craquer. Garnie d'une multitude de poissons tous plus appétissants les uns que les autres, elle était le fruit d'un long travail qui commença à l'aube. Son fils qui était à peine âgé d'une dizaine d'années contemplait à chaque fois cette multitude d'écailles colorées. Marko se lava les mains avec grand soin, faisant en sorte de retirer cette muqueuse gluante et huileuse, puis, il attrapa la main de son fils. Le petit blond le regarda et, heureux, lui fit un grand câlin.

— P'a, je ne veux pas aller à l'école... C'est pas cool.

— Mais au moins tu ne finiras pas poissonnier ! Dis-toi ça.

— Arrête papa, c'est trop bien ton métier ! Tu travailles au soleil, tu deviens fort tous les jours. Bon le problème c'est que tu pues le poisson après. [L'enfant ria aux éclats et serra son père.]

— En me serrant comme ça tu vas devoir reprendre une douche, fiston.

— Ou je peux dire à mes copines que j'ai travaillé ! Ça les impressionnera toutes !

— Tes copines ?

— Bah oui ! Je te l'ai jamais dit ?

— J'en connais une qui aurait dit « vraiment comme son père celui-là. »

Les deux rirent à nouveau et on sentit une certaine gêne chez Marko. Sa défunte femme lui manquait énormément et à chaque fois qu'il pensait à elle, le grand homme regardait son pendentif où se glissait une photo d'elle et de son autre fils, Isaak. Il semblait perdu, le regard vide et nostalgique. Sa main ne bougeait plus, mais ses souvenirs semblaient prendre vie.

Alors le petit Alexey qui se mit sur la pointe des pieds, ferma le pendentif avec sa petite main et le remit à sa place, sur le cœur de son père. Il examina le grand homme avec un regard attendri, et finit par le prendre dans ses petits bras.

— Elle me manque aussi papa. Mais c'est pas pour autant que tu dois te faire du mal. Ils sont partis dans un accident de voiture, tu n'y pouvais rien. Et puis ils sont sûrement fiers de ce qu'on devient pas vrai ?

— Tu as raison, mon fils, tu as raison.

L'enfant prit son cartable, embrassa son père et partit à l'école avec un certain ennui. Marko qui ne semblait pas avoir écouté son fils, ressortît le pendentif argenté. Il observa avec commisération les deux défunts qui semblaient si vivants par leur rictus. Et ce qui faillit lui faire verser une larme, fut le fastidieux moment où il se demanda à quel point ils seraient heureux aujourd'hui. Finalement, le brave homme serra le collier contre son cœur et se dirigea vers son étale.

Lorsqu'il y retourna, il vit un homme en costume aux traits européens accompagné d'un militaire d'origine mexicaine. L'homme d'affaires portait une valise noire en cuir, il arborait une paire de lunettes carrées, dépourvu de barbe, le nez concave, arborant une coupe undercut. De carrure normale, il était grand et élégant, sa richesse apparente se traduisait par sa montre en or et platine de Philippe Patek. Le violet de sa cravate était assorti à sa chemise qui se cachait sous sa luxueuse veste sur mesure.

Les Immortels : ÉmergenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant