Les Immortels : Émergence

Fils de Dieu et de Fer

16 Mai 2018, Rio de Janeiro, Brésil.

Gabriel se réveilla en sursaut en ressentant une immense douleur dans son corps. Il était presque six heures du matin lorsque le jeune homme remarqua quelque chose d'étrange. En effet, s'il se concentrait suffisamment il pouvait littéralement supprimer sa douleur. Lorsqu'il s'assit sur le lit blanc entouré des machines qui l'avaient maintenu en vie après tout ce temps, Gabriel remarqua quelque chose de différent dans ses yeux.

C'était comme une interface bleutée qui lui permettait de zoomer et d'attribuer en un instant un nom à un objet sans même l'avoir sur le bout de la langue ou le rechercher au plus profond de sa mémoire. Une fois levé sur ses deux puissantes jambes de métal, Gabriel devait se tenir au lit pour ne pas tomber, mais rapidement, sa mémoire vive l'aida à interpréter son environnement afin qu'il puisse marcher sans trébucher. Par conséquent la rééducation fut extrêmement rapide ce qui permit au jeune homme de se concentrer sur l'interprétation de son environnement.

En effet, avec le coma, son système nerveux périphérique et central avaient fini par délaisser certaines connaissances comme le simple fait de marcher ou de s'exprimer correctement. Et lorsqu'il découvrit que son apparence n'avait pas changée, Gabriel se posa des questions sur sa réelle nature et sur ce qu'il s'était passé pour que tout lui soit différent.

Fonctionnant comme un soutien à l'apprentissage, l'intelligence artificielle qui aidait Gabriel put davantage se concentrer sur son nouveau corps et ses souvenirs. Alors que regarder directement dans la lumière ne lui faisait plus mal, ses émotions étaient plus dures à appréhender, mais ses sentiments restaient bien ancrés. Il ne ressentait plus d'attirance sexuelle mais ressentait l'amour pour les siens. Gabriel ne connaissait plus la colère, mais pouvait s'imprégner de haine envers ses ennemis. Le jeune homme ne témoignait plus de la tristesse, mais pouvait être dévoré par le chagrin.

Lorsqu'il contempla le vide en scrutant le mur blanc qui se dressait devant lui, Gabriel pu se concentrer sur ses souvenirs. Tout d'abord un bruit de tir et puis une immense douleur qui l'envahi soudainement, le plaquant sur un sol refroidi par la nuit. Ce calvaire semblait si atroce qu'il préférait s'arracher la peau à l'acide plutôt que de revivre cela. Juste le fait d'y penser le faisait frissonner, le jeune homme en déduisit qu'il était revenu de la mort.

Gabriel regarda le calendrier qui s'affichait sur le téléphone de son père posé sur sa table de chevet. Il lut « 16 Mai 2018. » et se rendit compte que le temps n'avait pas pardonné son attitude peu méfiante. Plusieurs mois en gisant sans vie sur un lit d'hôpital, et Gabriel ne pouvait en témoigner aucun souvenir tant il était dans un état déplorable. Il ne se souvint plus de cette longue période qui traumatisa profondément ses parents. Cette épreuve qui les poussa à surpasser la science et finalement, eux-mêmes.

Il éprouva alors un grand manque pour ses parents et trouva cela étrange d'avoir des câbles reliés à son corps. Gabriel les retira délicatement avant de les laisser tomber au sol et se rendit compte qu'il obtint un accès à tous ses souvenirs instantanément et pouvait les visionner comme des films. Le jeune homme balayant son regard sur son nouveau corps, finit par en conclure qu'il n'était plus réellement l'homme qu'il était autrefois. Gabriel était désormais une chose, un tas de circuits imprimés dissimulés derrière une peau en silicone, et par fatalité : le tout premier androïde. Très convaincant par son revêtement de silicone qui imitait à la perfection sa peau alors que ses os étaient désormais une armature de métal, Gabriel s'attrista de son sort, il n'était plus un Homme.

Regrettant d'être en vie après sa bêtise, le jeune homme finirait par ne plus apprécier son existence à sa juste valeur. Et afin d'obtenir plus de réponses, il se balada dans les différentes pièces sans émettre le moindre bruit. Curieux, il s'approcha de la fenêtre qui donnait dans le grand jardin et observa une silhouette adossée à une pelle. Quelle indignité pour Gabriel de voir son père incurvé face au corps de son fils qui se reposait profondément sous les deux mètres de terre.