Le Tombeau des Lions

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10 Juin 2018, Espace aérien international.

L'hélicoptère, désormais hermétique à toute intrusion et filant à vive allure au-dessus de l'océan, se fondait désormais dans la noirceur de la nuit du large. Phantom qui était sagement assise sur son siège, retirait les morceaux de verre qui s'étaient échoués sur ses joues et autour de sa lèvre inférieur, déchirant médiocrement son rictus de haine. Avec elle, un médecin de campagne qui désinfectait méticuleusement chaque plaie qui enflait lorsqu'un débris en ressortait.

Avec ses yeux troublés par la lumière du médecin et ses émotions dérangées par les pics de douleur qui la tenaillaient, Aïssatou se vit noyée par le désir de pouvoir enfin se débarrasser des Dark-Ops, des Illuminés, et surtout de son antagoniste, Night-Wing. En effet, la grande rivalité entre Valkyries finissait par les rendre incompatibles tant elles étaient nourris par l'antipathie et la férocité. Ce pourquoi, il était judicieux de ne jamais affecter plus d'une Valkyrie à une mission.

Afin de calmer ses poings serrés, Aïssatou respira profondément et tenta de penser à autre chose de moins douloureux, qui atteignait moins son orgueil de femme puissante et fatale. Et finalement, ce ne fut pas le meilleur souvenir qui revint à elle. Pourtant, sa mémoire l'attira vers une fatalité qui autrefois, lui était inéluctable.

4 Octobre 1994, Wack Ngouna, Sénégal.

— Nous ne voulons pas de cette sorcière ! [Vociféra avec rage un Sénégalais, vêtu d'un habit traditionnel d'imam.] Elle pratique la magie de Satan !

Dans la mosquée, la petite fille, Aïssatou Ndioné, était retenue tel un animal par un lasso de capture avec une chaîne lourde en métal. La respiration qui entrecoupait chaque pleurs de la petite fille était abominable à regarder. Elle était à genoux, caché derrière ses cernes, son infâme maigreur, ses cheveux rasés, son corps recouvert de coups, suppliant d'être épargnée par un quelconque dieu ou les messieurs blancs qui se tenaient droits et indifférents face à elle.

L'enfant était brisée, déchirée par la simple pensée d'être abaissée au rang d'une bête sauvage alors qu'elle n'avait que cinq ans. Cinq pauvres années d'innocence dans lesquelles la petite fille fit de son mieux pour dissimuler son pouvoir de dématérialisation aux yeux des autres. Une fois qu'elle fut repérée par l'un des garçons de sa tribu, la petite fille habillée d'une robe orange en haillons fut conduite à l'imam de Wack Ngouma pour pouvoir y être jugée comme être démoniaque. D'abord reniée par sa famille puis insultée et humiliée par des inconnus sur la place publique, jamais Aïssatou n'aurait pensé que le monde était à la fois aussi vaste et aussi cruel. Un monde qui s'étendait au-delà des cases de sa tribu, mais qui se transformait dans le pire des enfers.

Elle qui eut pour habitude de vivre recluse en tant que fillette d'une petite tribu d'Afrique, n'avait jamais imaginé un jour finir à genoux devant un prêtre, ligotée tel un diable, et implorant miséricorde aux puissants hommes blancs qui semblaient venir tout droit des contes les plus farfelus que lui racontait son chaman. Excisée, jugée, méprisée et abandonnée, Aïssatou se résignait au pire pour sa différence, pour ce qui la rendait hors du commun. Aussi naïve soit-elle, la petite fille avait conscience de la mort, mais non de la peine de mort. Elle avait déjà vu sa petite sœur mourir de faim, couverte de mouches, et elle qui avait également la peau sur les os, n'était plus très loin.

Alors l'un des Hommes s'avança, posa un genoux à terre et de son délicat index, leva le menton d'Aïssatou. Il prit une lampe torche, balaya le faisceau lumineux vers ses yeux pour repérer un reflexe oculaire, baissa sa lèvre inférieur pour observer ses gencives et toujours rien d'anormal à part une violente famine et une légère déshydratation.

L'homme qui était vêtu d'une chemise blanche à manches courtes et d'un raide pantalon noir, ordonna que l'on libère l'enfant et qu'on lui apporte de l'eau et des petits gâteaux. Mais l'imam refusa de libérer la bête et continua de la tenir fermement, ce après quoi l'homme en chemise se leva et en l'affrontant, les yeux droit dans ceux de son opposant, haussa son canon vers le geôlier. Sous le menace, l'imam s'exécuta et libéra Aïssatou sans même témoigner de désarroi tant il était effrayé par la mort subite de la poudre.

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 07, 2020 ⏰

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