les étoiles brillent

2 - DYLAN

Dylan est assis seul sur le canapé chez Victoria depuis plusieurs heures, conscient que se lever serait imprudent vu son état. Le Nouvel An... Quelle folie cette fête, pense-t-il.

Victoria, épuisée par l'énorme soirée qu'elle vient d'organiser, s'assoit à côté de lui, ses épaules affaissées par la fatigue.

— Bonne année, mon ex préférée ! — crie Dylan en riant, les yeux brillants d'alcool.

— Bonne année à toi aussi, pour la cinquième fois, mon cœur. — répond Victoria en souriant légèrement. — Il va falloir y aller maintenant, il est presque quatre heures et la fête est finie. Tout le monde est rentré chez soi. Il faut dormir un peu, d'accord ?

Comment ça, la fête de la reine du lycée est déjà finie à seulement 4h du matin ?

— Non, je veux rester ! Je vais pas rentrer chez moi, quand même ! — clame Dylan en se laissant retomber contre le dossier du canapé.

Lucas les rejoint à cet instant et s'installe à côté de Victoria.

— C'est bon, je le ramène chez moi. T'inquiète, Victoria. — dit-il calmement.

Victoria relève la tête vers lui, surprise.

— Vous vous connaissez ? — demande-t-elle, intriguée.

— Ouais, on est potes, on est ensemble en sport. — répond Lucas en haussant les épaules, comme si c'était la chose la plus naturelle au monde.

Victoria fronce légèrement les sourcils, hésitante.

— T'es sûr que tu veux t'en occuper ? Parce que j'ai des chambres libres, et même si mes parents ne seraient pas ravis, je vais pas le forcer à rentrer s'il ne peut pas. Je m'embrouillerai avec eux pour la bonne cause, au moins. — propose-t-elle, visiblement soucieuse.

Lucas hoche la tête, un sourire rassurant aux lèvres.

— Oui, sûr. Ça me dérange pas du tout. Il sera bien chez moi, t'inquiète. Et te prends pas la tête avec tes parents, c'est déjà super sympa qu'ils t'aient laissé la maison pour la soirée. Merci encore, c'était génial. Bonne année, Victoria. On se voit au lycée.

Victoria sourit en retour et hoche la tête. Lucas aide Dylan à se lever, et ensemble, ils sortent dans la fraîcheur de la nuit. Une fois dehors, ils s'assoient sur un banc, le premier qu'ils trouvent, sous un lampadaire qui éclaire faiblement la rue déserte.

— Pourquoi t'as bu autant ? — demande Lucas, le regard fixant son ami d'un air plus sérieux.

— Bah, parce que je suis un ado et que c'est une soirée. Je m'amuse, c'est tout. Tu vas pas m'interdire de boire, quand même ? Cette fête aurait été nulle sans alcool. — réplique Dylan en haussant les épaules, l'air de vouloir échapper à la discussion.

Lucas s'allume une cigarette et le fixe un moment avant de répondre.

— Je sais que c'est faux. T'aimes pas vraiment boire d'habitude. Pas à ce point, en tout cas. Ça te ressemble pas. — dit-il en soufflant la fumée lentement.

Dylan fixe la cigarette de Lucas, hypnotisé par la lueur rougeoyante.

— Je peux en avoir une ? — demande-t-il, le regard un peu vide.

Lucas soupire et lève les yeux au ciel.

— Non, c'est vraiment pas le moment, Dylan. Ça va te faire vomir, et on est en train de parler. Pourquoi t'as bu autant, alors ? — insiste Lucas, plus déterminé.

Dylan baisse la tête, sa voix devient plus pâteuse, plus brisée.

— Parce que j'ai du mal, ok ? Tout a l'air simple pour toi, mais pas pour moi. J'ai l'impression d'avoir changé, Lucas. L'alcool, au moins, ça m'aidait à oublier... tout ça.

Lucas le regarde avec douceur, son visage se détend.

— C'est normal que ce soit pas facile. On ne vit pas tous les choses de la même façon. Mais c'est pas une raison pour te mettre dans cet état. Tu n'as pas changé, Dylan. Tu découvres juste qui tu es. Et moi, j'aime beaucoup la personne que tu es en train de devenir. D'ailleurs... j'aurais bien aimé l'embrasser à minuit. — confesse Lucas avec un sourire triste.

Dylan soupire à son tour. Lui aussi aurait aimé l'embrasser à minuit. Ça fait maintenant deux mois qu'ils se cachent. Il comprend que Lucas en ait assez de cette situation. Lucas s'assume pleinement, tandis que lui le garde dans l'ombre. C'est trop tôt pour lui. Il n'est pas encore prêt à dire à qui que ce soit qu'il aime les garçons, même si chaque jour, ce secret lui pèse davantage.

Égoïstement, il préfère garder Lucas pour lui, bien caché. Lucas est si beau, si charismatique, qu'il sait que d'autres pourraient tenter de le lui voler, juste pour relever un défi. Il voit déjà trop de regards se tourner vers Lucas. C'est suffisant. Vivons cachés, vivons heureux, pense-t-il.

Tout ça, combiné à l'alcool, lui donne envie d'éclater en sanglots.

— Moi aussi... mais tu sais bien... — murmure-t-il, la voix tremblante.

Lucas hoche la tête doucement, le regard plein de bienveillance.

— Je sais que tu n'es pas prêt. Je te l'ai déjà dit : j'attendrai. On fera les choses à ton rythme. Je t'aime trop pour m'enfuir juste parce que tu ne veux pas encore montrer notre relation aux yeux de tous.

Lucas est vraiment parfait. Beau, gentil, compréhensif. Tout le monde s'en fiche qu'il soit gay ; au lycée, tout le monde l'adore, et sa famille le soutient. Dylan se rappelle de leur rencontre par hasard, lors d'une exposition du lycée. C'était comme une évidence.

— Elle te procure quoi, cette toile ? — avait demandé Lucas, les yeux rivés sur une peinture abstraite.

— Peut-être que c'est bizarre, mais elle me procure un vide. J'ai l'impression que c'est un trou où quelqu'un de faible pourrait se laisser tomber. Heureusement, je vois des bords auxquels je préfèrerais me raccrocher pour ne pas tomber... Mais bon, chacun sa vision des choses. Je m'égare. — avait répondu Dylan, un peu gêné.

Lucas avait souri.

— Je m'appelle Lucas.

— Moi, c'est Dylan. — avait-il répondu.

Et tout s'était illuminé, comme un coup de foudre. Littéralement.

— J'ai de la chance de t'avoir. — murmure Dylan, les yeux baissés.

— C'est moi qui ai de la chance de t'avoir. — réplique doucement Lucas, un sourire aux lèvres.

Puis, il se penche et l'embrasse tendrement.

— Bonne année, mon amour. — lui murmure-t-il à l'oreille.

Et encore une fois, pour Dylan, c'est des étincelles. Au-dessus d'eux, en cette nouvelle année, les étoiles brillent.