32 - FLEUR

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Fleur et Victoria se sont beaucoup rapprochées ces derniers mois, à un point que ni l'une ni l'autre n'aurait imaginé. Leur lien, d'abord conflictuel, avait pris une tournure inattendue, quelque chose de plus profond, de plus sincère. Elles passaient maintenant énormément de temps ensemble, traînant dans les cafés de la ville, s'échangeant des confidences et des regards complices.

C'était un après-midi tranquille chez Victoria, les rayons du soleil pénétraient à travers les grandes baies vitrées de sa chambre, baignant la pièce dans une douce chaleur. Elles étaient installées sur le grand lit de Victoria, chacune avec un mug de thé à la main. La conversation roulait doucement, entre rires et silences, comme si elles savoraient le calme avant une tempête inconnue.

Victoria s'est levée doucement, son mug dans une main, l'autre glissant sur ses longs cheveux bruns. Elle s'est dirigée vers la fenêtre, fixant le magnifique paysage qui s'offrait à elles, la mer scintillante au loin. Puis, après un silence lourd de sens, elle lâcha :

— Je ne reviendrai pas à Sainte-Geneviève à la rentrée.

Le cœur de Fleur se serra immédiatement, et elle se redressa sur le lit, les yeux écarquillés.

— Quoi ? Pourquoi ? s'écria presque Fleur, la panique montant en elle.

Victoria tourna légèrement la tête, ses traits figés dans une expression indéchiffrable.

— Mon père a des gros problèmes avec sa société. Je crois qu'il fait faillite. Le siège est à Miami, alors... on part à Miami, lâcha-t-elle d'un ton résigné.

Le silence qui suivit pesait lourd, plus que Fleur ne l'aurait cru. La jeune fille chercha ses mots, perdue entre l'incrédulité et la tristesse.

— Pourquoi tu me l'as pas dit plus tôt ? murmura-t-elle enfin.

Victoria haussa les épaules, sans quitter le paysage des yeux.

— Je ne sais pas. Je crois que je voulais vraiment profiter de l'instant, répondit-elle d'une voix douce, presque cassée.

Fleur se laissa retomber contre les oreillers, tentant de digérer cette nouvelle. Elle n'arrivait pas à croire que Victoria, avec qui elle avait tant partagé ces derniers temps, allait partir... Et cette idée lui faisait plus mal qu'elle ne voulait l'admettre.

— Qu'est-ce que vous avez tous à partir vivre aux États-Unis ? souffla Fleur, presque pour elle-même, un sourire triste aux lèvres, pensant à Raphaël.

— C'est vrai... dit Victoria en esquissant un sourire ironique. Peut-être que les États-Unis nous appellent tous... Qui sait ?

Fleur resta silencieuse, ses pensées tourbillonnant dans sa tête. Elle repensait à Raphaël, à son départ brutal, et maintenant à Victoria. Elle avait l'impression que tout le monde autour d'elle s'éloignait, qu'elle restait seule, abandonnée. Et puis, un aveu glissa hors de ses lèvres avant qu'elle ne puisse le retenir :

— Et dire que je commençais vraiment à bien t'aimer...

Elle n'avait pas menti. Fleur avait appris à aimer cette fille, à apprécier ses remarques cinglantes, son esprit vif, mais aussi ses moments de vulnérabilité qu'elle ne partageait qu'avec elle.

Victoria se tourna enfin pour la regarder, ses yeux brillants de larmes contenues.

— Moi, je t'aime vraiment bien, Fleur. Vraiment... Je... je crois que ça fait un moment, en fait, murmura-t-elle, sa voix se brisant légèrement. C'est pour ça que j'ai été aussi méchante avec toi. Parce que... parce que je ne savais pas comment gérer ça.

Fleur sentit ses propres yeux s'embuer, un nœud se formant dans sa gorge. Ce n'était pas que de l'amitié, elle le sentait dans la façon dont Victoria la regardait, dont elle parlait, et cela la bouleversait.

— Tu vas revenir ? demanda Fleur, sa voix à peine un souffle, remplie d'espoir.

Victoria haussa à nouveau les épaules, les larmes aux coins des yeux cette fois-ci.

— J'espère, murmura-t-elle doucement, mais sans conviction.

Fleur avait envie de dire quelque chose, de la retenir, de lui promettre que tout irait bien. Mais les mots restèrent coincés dans sa gorge, étouffés par l'émotion.

— Moi aussi, souffla-t-elle finalement.

Le silence qui s'installa alors était lourd de tout ce qu'elles ne disaient pas. Puis, sans un mot de plus, Victoria se recoucha près d'elle, ses larmes coulant toutes seules, et Fleur fit de même. Elles s'endormirent, l'une contre l'autre, comme si c'était leur seule manière de se dire au revoir sans avoir à affronter cette réalité.

Le lendemain matin, lorsque Fleur dut partir pour rentrer chez elle, le cœur serré par la tristesse et la peur de perdre cette complicité naissante, Victoria la serra longuement contre elle. Elle déposa un baiser sur sa joue, un peu trop près des lèvres, et le geste fit rougir Fleur sans qu'elle ne comprenne vraiment pourquoi. Puis, dans un murmure à peine audible, Victoria lui glissa à l'oreille :

— Je reviendrai pour toi.

Et cette promesse, aussi incertaine qu'elle fût, resta gravée dans le cœur de Fleur, comme un doux espoir auquel elle se raccrocherait durant les mois à venir.

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