33 - MATHIEU

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Le ciel était lourd et gris, en parfaite harmonie avec l'état intérieur de Mathieu. Les nuages oppressaient l'air, tout semblait lourd, étouffant. Il déambulait dans les rues, son corps presque en automatique, guidé par un vide sans fin. Depuis des mois, sa vie s'était effritée, ses pensées l'assaillaient sans cesse, imprévisibles, sombres. Les montagnes russes de ses émotions, amplifiées par sa bipolarité, étaient devenues insoutenables. Ses cycles maniaques le poussaient à tout essayer, à se noyer dans l'excès, mais ils étaient toujours suivis de la chute, ce gouffre noir qu'il ne pouvait plus fuir.

Mathieu savait qu'il était brisé depuis longtemps, mais il n'avait jamais voulu l'admettre. Il avait ignoré tous les signaux, jusqu'à ce que tout devienne trop, jusqu'à ce que chaque sourire, chaque geste devienne une fausse note dans sa propre vie. Les rares moments de clarté, ceux où il se sentait vivant, étaient devenus trop rares pour être supportables.

Ses amis, ils avaient essayé. Ils avaient vu les signes, mais personne ne pouvait vraiment comprendre. Alice l'avait supplié, Léna l'avait inondé de messages, de comptes recréés pour tenter de le contacter, mais il les avait tous ignorés. Il n'en pouvait plus d'être le sujet d'inquiétude. Léna l'aimait, il le savait, mais il n'était plus capable de recevoir cet amour. Cela faisait mal, trop mal. Même Fleur, douce et pleine de compassion, ne pouvait pas atteindre cette part de lui qu'il avait depuis longtemps enfermée. Chaque tentative, chaque regard plein de sollicitude, lui rappelait combien il était différent, combien il ne pouvait plus prétendre être celui qu'ils voulaient qu'il soit.

Il y avait eu des moments où il avait essayé de lutter. Ander avait tenté de rester à ses côtés, d'être ce pilier, mais Mathieu avait toujours repoussé tout le monde. Dylan, même dans sa propre souffrance, avait tenté de le ramener vers eux. Mais Mathieu ne pouvait plus. Il était au-delà de ça. La lumière qu'ils voulaient lui offrir ne faisait que lui rappeler à quel point il était coincé dans l'obscurité.

La drogue avait été son échappatoire. Au début, c'était pour sentir quelque chose, n'importe quoi, pour échapper à ses pensées qui tournaient en boucle. Mais très vite, c'était devenu sa seule compagne fidèle. Elle était là, toujours, lorsque le vide devenait trop insupportable. Et ce soir, il savait que ce serait la dernière fois qu'il l'utiliserait.

Il n'y avait plus de retour en arrière. Il ne voulait plus lutter contre ses démons, il n'avait plus la force de se battre contre cette bipolarité qui l'écrasait. Son esprit était épuisé, trop de cycles, trop de hauts dévastateurs, trop de bas insupportables. Il rentra chez lui, traversant le silence oppressant de l'appartement. Sa mère dormait probablement, exténuée elle aussi par des mois de tentatives infructueuses pour l'aider, pour le sauver.

Mathieu ferma la porte de sa chambre, s'assit sur le lit, son regard se posant sur la table de nuit. Des sachets de poudre étaient étalés, comme une promesse d'apaisement, la seule qu'il croyait encore possible. Il attrapa les sachets, traça des lignes sur le bord de la table, ses mains tremblant légèrement, mais son esprit fixé sur une seule idée : en finir.

Les souvenirs de ses amis défilèrent dans son esprit alors qu'il commençait à sniffer la première ligne. Il pensait à Alice, qui avait tant insisté, tant espéré qu'il irait mieux. Elle méritait quelqu'un de mieux, quelqu'un de stable. À Fleur, toujours souriante, toujours prête à écouter. À Dylan, qui portait ses propres blessures et que Mathieu avait repoussé, incapable d'accepter une main tendue. À Alexander, Raphaël, Victoria, William. Et puis, il y avait Léna. Celle qu'il avait aimé d'une manière maladroite, mais sincère. Il savait qu'elle souffrait aussi, qu'elle avait tenté de le rejoindre dans son malheur pour l'en sortir. Mais c'était trop tard. Il ne voulait plus qu'elle souffre à cause de lui.

Il aspira une deuxième ligne, le vertige s'installant, mais ce n'était pas encore suffisant. Une troisième, puis une quatrième. Le goût métallique du désespoir s'infiltra dans sa gorge alors qu'il avalait plusieurs gorgées d'alcool. Chaque gorgée effaçait un peu plus sa réalité, brouillant les frontières entre le monde et le néant qui l'attirait.

Il se sentait partir. Lentement. Comme une barque à la dérive sur une mer calme. Mais il savait qu'il ne reviendrait pas cette fois. Ses pensées s'effondraient sous le poids de la drogue, sa respiration devenait lourde, chaque battement de cœur plus irrégulier que le précédent. Ses paupières devinrent trop lourdes pour rester ouvertes.

Son téléphone vibra dans sa poche, un dernier message de Léna peut-être, ou d'Alice. Mais il était déjà trop tard. L'appareil glissa de sa main, s'écrasant doucement sur le sol tandis que Mathieu basculait en arrière, son corps s'affaissant dans le vide. Les sons du monde extérieur s'éloignaient, devenaient lointains, étouffés, tandis qu'il fermait les yeux pour la dernière fois.

Il était enfin seul, enfin libéré de cette bataille. Mais dans ce silence définitif, il laissait derrière lui des amis, une famille, et Léna, tous perdus, brisés par son absence.

les étoiles brillent Où les histoires vivent. Découvrez maintenant