les étoiles brillent

22 - ALICE

Depuis leur baiser, Marc et Alice ne s'étaient pratiquement pas reparlé, au point qu'Alice commençait à douter de la réalité de ce moment. Elle se demandait si Fleur n'avait finalement pas raison à son sujet. De toute manière, dans une semaine, elle partait en vacances en Ardèche, chez ses grands-parents, dans leur centre équestre. Cela lui permettrait de s'éloigner de celui qui hantait ses pensées et lui causait tant de tourments.

Mais ces préoccupations paraissaient bien futiles face aux problèmes bien plus graves que traversait leur groupe. Dylan, par exemple, vivait un véritable enfer depuis son coming-out. Sa famille avait coupé tout contact avec lui, et sans le soutien de Lucas et de ses amis, il aurait probablement craqué. Raphaël, avec ses remarques blessantes et ses regards de travers, n'arrangeait rien, et Dylan devait constamment faire face à cette hostilité.

Assise sur la plage, Alice contemplait la mer pendant que Fleur s'installait à côté d'elle avec son sandwich. Ils avaient décidé de se retrouver pour un pique-nique, histoire de passer du temps ensemble avant que chacun parte de son côté pour les vacances. C'était enfin l'été, le moment de se détendre avant de se séparer pour quelques semaines.

— J'ai invité Benjamin. Il viendra sûrement avec ma sœur. Il est encore chez moi avec elle, je crois, dit Fleur entre deux bouchées.

— Comment ça, tu crois ? Tu n'étais pas chez toi ? demanda Alice, intriguée.

Fleur secoua la tête.

— Non, j'étais avec Victoria. On a pris un café, mais elle est rentrée chez elle pour se changer.

C'était toujours un peu étrange pour Alice d'imaginer Fleur si proche de Victoria, leur ancienne ennemie jurée. Mais il était clair que Victoria avait changé, et l'ancienne "garce" du groupe s'était révélée bien plus sympathique que prévu.

Petit à petit, les autres arrivèrent. Dylan, Lucas, William, Alexander, et Ander vinrent les rejoindre. Alice fut surprise de voir Naomi s'asseoir près d'Ander, mais la lueur de bonheur dans les yeux de son ami disait tout. Il avait enfin réussi à se rapprocher de la fille qui lui plaisait depuis le début de l'année. Elle en était heureuse pour lui.

Finalement, Aaron et Victoria furent les derniers à arriver, Victoria étant impeccablement apprêtée, comme à son habitude. Même au milieu de la plage, elle semblait toujours prête pour un défilé de mode. Alice, assise entre Fleur et Victoria, se sentait parfois simple à côté d'elles. Elles dégageaient une sorte de perfection qui la rendait un peu invisible. Mais ses amis la faisaient sentir spéciale, et cela lui suffisait. Enfin... presque. Car l'ombre de Marc planait toujours sur ses pensées.

Le seul absent à ce rassemblement était, sans surprise, Mathieu. Alice avait perdu le compte des messages qu'elle lui avait envoyés, des appels qu'elle lui avait passés, et des tentatives de frapper à sa porte. Il ne répondait plus, à personne. Ander avait même contacté sa mère, qui avait confirmé que Mathieu traversait une période sombre, refusant toute aide, même de la part de sa propre famille. Cette incapacité à l'atteindre pesait sur le groupe, particulièrement sur Alice et Léna, qui se rongeaient d'inquiétude.

— Je viens de recevoir un message de Ben, annonça soudain Fleur.

— Bah lis-le, encouragea William.

— Ils ne viendront pas, Anna est fatiguée. Putain, elle est relou celle-là, elle dort tout le temps... Déjà que je ne peux plus voir mon meilleur ami à cause d'elle... Oh, et il nous invite tous à son anniversaire dans deux jours. Ça se passe chez sa grand-mère, une pool party avec barbecue toute la journée. Vous allez voir, la piscine est énorme, presque comme une piscine municipale. Ça va être génial !

— Je peux pas, annonça Ander.

— Pourquoi ? demanda Dylan, intrigué.

— J'ai prévu d'aller au musée avec Naomi.

Naomi lui sourit, et Alice trouva ça adorable. Enfin, après des mois à l'encourager, Ander avait réussi à se rapprocher d'elle.

— Bon, on sera là sans toi, alors, répondit Dylan.

Alice, de son côté, n'était pas particulièrement enthousiaste à l'idée d'aller à l'anniversaire de Benjamin. Savoir que Marc serait là, après leur étrange silence depuis leur baiser, la rendait anxieuse.

— Je vais venir, mais... je pars le lendemain, murmura Raphaël, brisant le fil des pensées d'Alice.

Tout le monde se tourna vers lui, surpris. Même Fleur semblait découvrir cette nouvelle.

— Comment ça, tu pars ? demanda-t-elle, inquiète.

— Où ça ? ajouta Victoria, un sourcil levé, visiblement agacée par l'incertitude.

Raphaël secoua la tête, les yeux brillants de larmes.

— À New York..., souffla-t-il.

— C'est super cool ! Mais pourquoi tu ne nous l'as pas dit avant ? s'exclama William.

— Parce que... c'est définitif, répondit Raphaël d'une voix lourde.

Un silence glacé s'abattit sur le groupe. Chacun essayait de comprendre la portée des mots de leur ami, mais le premier à réagir fut Fleur, qui éclata en sanglots. Elle avait compris. Il allait partir, pour de bon.

— Je vais faire mes études à Columbia. Je suis désolé, Fleur. Pardon à tous. Mais je dois penser à moi, pour une fois. Ce qu'on me propose là-bas, c'est bien plus que tout ce que je pourrais avoir ici, dit-il avec une gravité qui n'était pas dans ses habitudes.

Fleur se leva, les larmes aux yeux, et quitta précipitamment la plage. Alice voulut la suivre, mais Victoria la devança, lui murmurant un « je m'en occupe » avant de s'élancer après leur amie.

— Je comprends, dit Ander.

— Tu comprends quoi ? demanda Raphaël, surpris.

— Que tu veuilles être égoïste pour une fois. Si c'est ce qu'il y a de mieux pour toi, tu dois le faire. On est jeunes, Fleur s'en remettra.

Les autres hochèrent la tête, bien qu'ils soient tous secoués par cette nouvelle. Raphaël allait leur manquer. Mais ils savaient aussi que l'amitié, aussi belle soit-elle, ne dure pas toujours. Leurs chemins s'étaient croisés un jour, mais cela ne signifiait pas qu'ils resteraient ensemble pour toujours.