On s'est oublié en bas

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- Franchement, t'aimes trop plomber l'ambiance

Il émet un petit rire, j'crois qu'il a pas conscience de ce qu'il raconte. Il a pas conscience du bordel qu'il fait au fait. Il me dit clairement qu'il m'aime bien. Puis après, il fait quoi ? Il me re-demande de le zapper. Il croit trop la vie c'est les Sims, genre t'annules une action comme ça.

Non en vrai, je rigole, mais je vous jure que j'ai envie de pleurer. Et de le tarter aussi. À quel moment tu dis à quelqu'un que tu le kiffes mais qu'il faut que vous vous oubliez ? C'est toujours ça avec lui, t'avances d'un pas pour reculer de vingt pas.

- Je rigole pas, tu fous toujours la merde pour rien

Nabil - Ah bon ?

Il a l'air plutôt calme, vraiment calme. Bon, c'est pas un gars de nature très agitée de base, mais il a l'air vraiment calme là, c'est bizarre. Je lui aurais parlé comme ça hier, il se serait déjà énervé. Peut être qu'il sait qu'il a tort. En tout cas, ça m'empêche pas de lui dire toutes les vérités, quitte à ce qu'il pète un câble. Je compte pas l'oublier comme ça, c'est trop tard, et ça j'vais bien lui faire savoir à ce connard.

Fierté où es-tu ? Ça fait longtemps maintenant que j'ai dépassé ce stade.

- Ouais, t'es la seule personne que j'connaisse qui invente des problèmes là où y'en a pas

Nabil - Parce que tu crois que ça m'fait plaisir à moi ? J'invente rien du tout, si j'décide ça c'est pas pour rien

- Bah, dis moi, il est où le soucis ?

Nabil - Soucis ? Y'en a plusieurs des soucis igo

- Cite moi le plus gros, alors

Il est positionné avec sa tête basculée dans le coin entre son siège et sa portière, sa capuche qui recouvre presque la totalité de ses petits iris qui me fixent d'un air indescriptible, ainsi que bien évidemment, le détail à ne pas oublier, sa fumée provenant de la clope qu'il vient d'entamer, qui sort de ses belles lèvres roses et charnues. Quel beau connard.

Nabil - Je sais pas si c'est toi le problème, ou moi

Il me dit ça, normal, sans sel ni poivre. Faut vraiment pousser pour qu'il s'exprime merde.

- Sois plus explicite non ?

Nabil - Je sais pas si le problème c'est le fait que tu t'es permise d'entrer dans mon cœur comme ça, ou le fait que j'sois qu'un con à t'y avoir laisser entrer

Wow. Je ne dis rien, heureusement que l'obscurité peut cacher mes joues qui ont rougi parce que ce serait game over pour moi direct. C'est quoi toutes ces déclarations ? Ça veut dire quoi ? Qu'il ressent ce que je ressens ? Et que c'est un problème pour lui ?

- C'est vrai ?

Nabil - Tu penses que j'appelle toutes les filles par "petit ange" ? T'es spéciale pour moi, j'sais pas si t'avais remarqué

Sa voix douce se casse légèrement à la fin de cette phrase, ce qui me donne encore plus d'arguments pour craquer. Sauf que j'ai bien décidé de jouer la dure ce soir. De faire, pour une fois, la désirée. De laisser les rôles s'inverser.

- Moi qui pensais que c'était pour satisfaire ton tableau de chasse

Lui même me l'avait dit, et c'est resté dans ma tête. J'oublie rien. Monsieur sourit, bêtement.

Nabil - Tableau de chasse de quoi ? J'ai eu qu'une putain d'meuf dans toute ma vie, l'reste c'est que des plans et j'les revois même plus après

- Et il est où le problème alors ? Si d'après tes paroles on s'aime réciproquement ? Tu vois, j'te l'ai dit, t'inventes des soucis pour rien

Nabil - C'est simple, j'veux plus aimer Soumeya...

POINT DE VU NABIL

J'peux pas me permettre de me mettre en couple. C'est inenvisageable. La dernière fois que j'ai fait cette connerie, j'suis sorti perdant. Cette pute de Hasna me l'a bien mise à l'envers. On était Nabil & Hasna, le p'tit couple que tout le monde enviait. J'étais un petit canard à l'époque, ça me dérangeait pas. Elle était belle, elle était bonne, elle était Hasna quoi.

On s'côtoyait depuis petit, on a grandi ensemble. Elle était dans ma classe durant toute ma scolarité, j'la kiffais en secret. C'était la meuf que tout le monde rêvait d'avoir cette connasse, et c'est moi qui l'ai eu plusieurs années après. Sans mytho, on était vraiment trop classe. Tu voyais pas de Nabil sans Hasna ou de Hasna sans Nabil. Cette folle avait réussi à me détourner de mes frères.

J'calculais personne, j'rentrais presque jamais, Tarik il comprenait rien le pauvre. Mais j'étais amoureux, enfin j'crois. J'ai tout fait avec cette fille. Premier amour, premier bisou, première fois même. J'peux vous dire que Hasna au lit, c'était quelque chose. Ses beaux cheveux blonds et ses yeux verts, l'a faisait sortir du lot. C'était une maghrébine atypique, c'que j'pouvais rêver de mieux. J'avais l'habitude de l'appeler sheitana, pas qu'elle était vicieuse, mais sa beauté était diabolique.

Il m'est arrivé une fois d'appeler Soumeya par sheitana, juste parce qu'elle m'avait légèrement fait penser à Hasna. Pourtant Soumeya à côté d'elle, c'est un ange. C'est pour ça que je l'appelle petit ange...

J'm'égare, Hasna, c'était la femme parfaite. La femme de mes rêves. J'dis bien c'était, parce que cette pute de Hasna m'a trompé.
Inutile d'préciser que comme un gros faible, j'ai été blessé.

Y'a que Tarik et Casper qui connaîssent cette histoire, ils m'ont aidé vite fait à remonter la pente. Depuis j'm'étais juré de plus ouvrir mon coeur à n'importe qui.

Puis y'a eu Soumeya.

Et vous connaissez la suite, maintenant on est là à débattre sur le oui du non du pourquoi du comment j'me mettrais pas en couple. C'est une des raisons, malgré j'vois mal Soumeya me tromper. Elle est inoffensive la petite, ça se voit. Mais j'préfère être trop méfiant que trop naïf.

Puis y'a pas que ça. Y'a que j'ai trop de problèmes pour rajouter quoique ce soit. Y'a que j'ai un frère en prison et des bouches à nourrir seul. J'ai trop de responsabilités, Soumeya ne doit pas en faire parti.

POINT DE VU SOUMEYA

Je le comprends pas, quand j'crois le comprendre, il me prouve que non.

- Dans ce cas Nabil, j'crois que j'peux rien faire pour toi

Si il s'ouvre pas de lui même à moi, j'peux pas le forcer. Ça me fait énormément de peine. Un amour à sens unique c'est certes inutile, mais un amour réciproque qui ne peut être entamé c'est du gâchis. Il m'avait fait regagner espoir, mais je crois bien que c'est mort. Je le regarde une dernière fois, il a la tête baissée et est pensif.

- Dépose moi

Il s'exécute, et on fait le trajet en silence. Qu'est ce que tu veux dire dans de telles circonstances ? Donc c'est la fin de Soumeya/Nabil ? Ça a même pas commencé...

On arrive à la cité. Je baffouillone un merci à peine audible en n'oubliant pas de prendre mes baguettes, et sors de sa caisse sans même le regarder. Je ne veux pas qu'il me voit les larmes aux yeux, parce que ouais je sens que j'vais chialer, encore une fois.

Mais merde qu'est ce qu'il me fait ? Je décide de rentrer à la maison. Quand je rentre, un silence pesant se fait entendre. D'habitude, ma mère regarde sa série turque avec le volume assez imposant mais là, rien.

Je fais un tour dans l'appartement, peut être qu'elle dort ou qu'elle est chez la mère à Moha.

- Maman t'es là ?

J'arrive dans sa chambre, et je la trouve au sol, allongée et inconsciente.