Taehyung
Trois jours se sont écoulés depuis mon rendez-vous avec M. Jeon. Et curieusement, notre discussion m'a fait du bien. Il m'a donné quelques conseils pour relativiser et me changer les idées, deux ou trois bonnes habitudes à adopter. Tout d'abord, je dois impérativement accepter son départ, c'est la première étape pour guérir. Il est vrai que jusqu'à présent, je me contentais de subir et d'en vouloir au destin. Cependant, il m'a rappelé que je suis l'unique maître de ma vie et que si je ne la prends pas en mains maintenant, personne ne s'en occupera à ma place. Aussi, avant de nous quitter, on s'est échangé nos numéros de téléphone. Enfin, je détiens son numéro professionnel, au cas où j'ai un souci ou la nécessité d'annuler un futur rendez-vous.
Étrangement, je me sens serein aujourd'hui. Je n'ai rien de prévu et ne compte pas me rendre à ma galerie. Haneul a étéréquisitionné pour s'en occuper, et accueillir de potentiels acheteurs en ce qui concerne les œuvres d'amateurs et des passionnés par l'art, curieux de voir la nouvelle exposition qui m'a d'ailleurs donné du fil à retordre. Etant donné que ma galerie se fait un nom petit à petit dans la ville et surtout dans le pays, via les magazines notamment (hormis les articles à mon propos). Je parviens à dégoter des chefs d'œuvres et à exposer des peintures que les autres ne peuvent avoir. La concurrence : il n'y en a plus. Je suis même la raison de la faillite de deux galeristes de la ville. C'est aussi cela qui me vaut des critiques. Je m'en réjouis.
Occupé à fixer le plafond tout en réfléchissant, Yeontan se mouve dans mes bras, réclamant des caresses. Mon chien demeure ma seule compagnie désormais. Il a été adopté après son départ, et c'était également la meilleure décision que je pris depuis. Je songe à ce que je vais faire aujourd'hui. Dernièrement mes peintures sont ridicules, digne des adolescents qui se pointent à ma galerie en se clamant peintre révolutionnaire. Rien n'émane de mes tableaux, absolument rien. Si ce n'est que de la tristesse, que provoque mon échec. Je ne parviens à ne rien faire ressentir à personne. J'ai terriblement honte de moi sur ce point là bien que cela ne me soit jamais arrivé auparavant. Mais il faut que j'essaie encore. Selon les conseils de mon psychologue, je dois accepter et relativiser, il en est peut-être de même pour la peinture. Il est nécessaire que je peigne autre chose, que je m'évade sur un autre thème. Peindre sur un sujet positif, et inspirant.
Il ne me faut pas longtemps pour me décider et bien vite je rejoins mon atelier. Yeontan me suit avec entrain, la langue à l'air. Comme s'il ressentait ma bonne humeur. J'aligne alors mes pinceaux sur le rebord de mon chevalet, accompagnés des différents tubes de peinture à l'huile. Puis, j'inspire un bon coup et mets mon esprit sur pause. Mes mains vont tout diriger cette fois-ci, il est inutile de réfléchir. Mes doigts tracent des traits au centre de la toile, dans des tons crème. J'esquisse rapidement une forme de visage, une mâchoire, et une longue touffe de cheveux bruns ondulés. Ensuite, je m'empare d'un autre pinceau, plus large, et peint un fond bleuté autour de ce faciès sans traits. Une heure plus tard, j'ajoute quelques éléments, comme un anneau sur l'un des lobes d'oreille et des reflets auburn dans la chevelure. Je ne compte pas aller plus loin dans le détail. Je souhaite garder une part de mystère sur cet homme sans nom, sans identité. Un homme qui est le fruit de ma pensée profonde car je me suis forcé à me laisser enivrer par peinture sans penser à mon existence une seule fois. Mes mains comme guide, j'ai peint un être qui est source de mon espoir car pour la première fois depuis longtemps, mes songes n'ont pas dérivé vers elle.
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catharsis | vkook
FanfictionCatharsis : moyen thérapeutique par lequel le psychiatre amène le malade à se libérer de ses traumatismes affectifs refoulés. Aussi connue sous la définition plus simpliste : purification des passions.