23. « Ce type est un poison. »

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Le café coule dans mon gobelet en plastique. Je le récupère et m'assieds sur un des fauteuils de la salle de détente de l'école. J'enfile la capuche de mon sweat pour cacher ma coupe de cheveux catastrophique. Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit et même une queue de cheval m'a semblé compliquée à réaliser ce matin. Je porte le gobelet à mes lèvres et le repose après quelques dixièmes de secondes de contact avec ma langue. J'ai réussi à oublier l'option sucre sur la machine. Je soupire et me frotte le visage, comme si ce geste singulier allait me donner la mine d'une fille qui aurait dormi huit heures.

La salle commence à se remplir peu à peu, bien qu'il ne soit que 7h30. Des têtes inconnues passent sans me jeter un regard et tant mieux pour moi. Mais d'autres chuchotent devant mon visage meurtri par l'absence de sommeil. Qu'est-ce qu'ils veulent ces gens-là ? Une photographie avec une des filles les plus minables de la ville ? Même mes pensées sont sur les nerfs ce matin. Pourtant, après l'appel Skype j'aurais dû aller mieux. Mais ma joie de revoir mes amies s'est dissipée peu à peu entre Toulouse et New York. Cette nuit, alors que je me battais avec une insomnie, Olivio m'a assené un coup violent qui a fait que j'ai lamentablement perdu contre Morphée, qui ne semblait pas vouloir de moi. Il a lu mon message mais n'y a jamais répondu. Toujours aucun signe de vie ce matin.

Tu vas avoir besoin de plus qu'un café, me lance Nora, une fille de ma classe, qui vient d'entrer.

J'observe mon gobelet encore plein, avant d'esquisser un sourire très mince à la petite rousse. Je ne la connais pas vraiment, mais elle m'a toujours semblé gentille, alors pourquoi ne pas entamer une conversation avec elle ? Je n'ai pas envie de laisser mon insomnie gagner cette bataille. Je risquerais de passer pour une asociale.

J'ai l'habitude, je commence, mais j'ai toujours aucun remède pour les lendemains difficiles.

Quand ça m'arrive, je fais plusieurs petites siestes dans la journée, m'explique-t-elle un grand sourire sur les lèvres.

Je confirme ce que je pensais d'elle. Elle est vraiment très gentille, et il est peut-être temps pour moi de traîner avec d'autres personnes maintenant que je n'ai plus Emma.

Elle s'assied sur le fauteuil voisin au mien et soudainement, je vois ses yeux s'écarquiller en découvrant mon sweat.

Toi aussi t'es Visionnaire ?

Ah...Elle est fan des deux frères. Est-ce que j'ai vraiment envie d'en parler alors qu'en ce moment-même j'ai toujours en travers de la gorge le « vu » de Oli ? On va prétendre que oui.

Oui, j'aime bien ce qu'ils font. Leur marque est sympa, je minimise.

Elle a l'air heureuse de ma réponse, parce qu'elle dégaine son téléphone pour me montrer une photo d'elle et des frères prise dans les rues de Toulouse. Elle me parle ensuite des chansons qu'elle adore, de sa joie lorsqu'elle a été au Stadium du 24 mai. Nora m'explique ensuite qu'elle est Toulousaine de naissance et à quel point elle aime vivre ici.

De mon côté, je suis avec elle sans y être, n'écoutant que d'une oreille. Mon esprit a divagué depuis déjà quelques minutes vers Emma, qui vient d'arriver avec Allie. Je meurs d'envie d'aller lui parler, mais c'est beaucoup trop risqué. Je connais parfaitement Emma et je sens qu'elle va me faire une scène, peut importe le nombre de personnes dans la pièce.

On ne se parle plus depuis ce week-end, mais j'ai l'impression que ça fait déjà une éternité.

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Je regarde pour la troisième fois la story des frères sur Instagram, postée il y a quelques minutes. Ils montrent à leurs fans leur chambre d'hôtel et expliquent à quel point ils sont pressés d'être ce soir. Il doit être assez tôt là-bas, quelque chose comme six heures du matin.

Poliroid (Bigflo & Oli)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant