18. L'alexithymique

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Il pleuvait. Si c'était un détail tout à fait anodin pour les humains, les Aldiens, eux, étaient particulièrement attentif à la météo. La pluie pouvait être chaude, froide, torrentielle, neigeuse, ou il pouvait simplement s'agir d'une petite averse revivifiant les cultures. L'observation de l'humidité dans l'air ainsi que ses répercutions sur le village forestier dans lequel Scarlet avait grandit était géré par un homme possédant l'affinité de la condensation. Ce n'était pas un métier très reconnu, mais il était nécessaire, car il permettait aux Aldiens de connaître le type de pluie qui s'écoulait sur leur terre, ses conséquences ainsi que sa durée. Alors, lorsque les nuages recouvraient le ciel et que les premières gouttelettes touchaient le ciel, cet homme solitaire à la barbe grisonnante sortait de sa chaumière et, comme il était d'usage, observait minutieusement terre et ciel pour rendre son verdict. Ensuite, il faisait son rapport à la reine, et celle-ci en informait le village. La pluie était alors une bénédiction comme une malédiction. Dans certains cas, elle détruisait les champs de culture pour la saison, dans d'autres, elle permettait à ceux-ci de se développer plus rapidement. Halia, possédant le Hyara de l'eau et un futur de dirigeante accomplie, avait été la première sollicitée en cas de crise torrentielle, mais jamais elle n'avait fait barrage à la Nature. Déesse de tout, celle-ci était la seule décisionnaire de leur avenir, et personne n'avait jamais eu droit de contrer ses plans. Car qui s'y risquait, se voyait souvent offrir un destin bien funeste.

Derrière la fenêtre, à l'abris de l'eau frappant la vitre, Scarlet observait la ville des humains. Ici, personne n'avait semblé se préoccuper de la pluie. Les routes étaient faites d'une matière résistante, et aucun territoire n'avait été aménagé pour les plantes. Tout n'était que grisaille froide, sans vie. Un peu plus loin, dans la cuisine, s'échappait une douce odeur d'œuf et de bacon, que Scorpio s'était amusée à cuisiner pour le petit-déjeuner.

« Repas à l'anglaise. » lâcha celle-ci en déposant la casserole sur la table de verre.

A l'évocation de ce pays qu'elle avait étudié au centre, Scarlet se souvint alors qu'elle n'avait jamais visité d'autres contrées que son île natale et cette partie du monde des humains. Avait-elle envie de partir à la découverte du monde ? Un jour, peut-être. Pour l'heure, elle se devait de résister à ses envies de voyage et se concentrer sur sa mission actuelle.

Le regard pensif, elle prit place sur une chaise et écouta son ventre gronder. Elle ne s'était pas nourrie depuis si longtemps. Le salé n'était pas véritablement ce qu'elle avait l'habitude de manger sur l'île, mais la faim était trop insistante pour qu'elle refuse quoi que ce soit. Cependant, le goût des fruits fraichement cueillit lui manquait terriblement.

« Charly ne va pas tarder à comprendre ce qui se trame, lança Scarlet en avalant sa première bouchée.

— Il ne peut rien faire contre nous.

— Mais contre Halia, si. Mon amie à une balise quelque part dans le corps qu'il fera exploser dès l'instant où il saura pour notre alliance. J'ignore comment la lui enlever. »

Scorpio fronça les sourcils, puis bu une gorgée de café. Manifestement, elle n'avait pas l'intention d'ingurgiter quoi que ce soit de solide.

« Halia Haffdotir ?

— Tu la connais ? s'étonna Scarlet.

— Via une de mes connaissances, Ethan Malerne. C'était un membre du clan de Charly, mais il a changé de camps lorsqu'il a rencontré ton amie. C'est lui qui lui a implanté la balise, je suis sûre qu'il s'emploie actuellement à la lui désactiver. »

De colère, l'Aldienne se leva brusquement.

« Tu fais confiance à ce type ? vociféra-t-elle. Comment ai-je pu être assez stupide pour penser que tu m'aiderais !

Le Phœnix Écarlate     -     [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant