29. Iris de sang

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D'épais nuages gris venaient de recouvrer le ciel lorsque Scarlet s'allongea sur le sable frais de la plage d'Alda. Le souffle saccadé, la sueur perlant sur son front, un sourire sincère naquit sur son visage. À ses côtés, Aaron luttait contre le sommeil. Elle profita de cet instant de naïveté pour l'observer de nouveau. Il sembla qu'il n'avait jamais été aussi beau à ses yeux. De ses longs doigts fins, elle parcourra son torse sculpté, suivant la ligne qui se dessinait entre ses abdominaux parsemés de grains de sable. Lorsqu'il plongea dans le monde des rêves, les muscles de sa mâchoire se détendirent, laissant place à un air enfantin.

Elle se redressa, époussetant la saleté incrustée dans sa peau, et s'avança face à l'immensité océanique qu'elle avait pour vue. Un pied devant l'autre, elle se glissa dans l'écume agitée, jusqu'à en être recouverte. L'eau était froide, presque glaciale. Tremblotante, elle nagea quelques instants pour réchauffer ses jambes, en vain. Au-dessus d'elle, les nuages se mirent à pleurer.

Une nuit et un jour s'étaient écoulés, mais il n'avait pas arrêté de pleuvoir. Guerrières et guerriers ne cessaient de s'entraîner. Scarlet avait regagné son groupe, traversant les rangs, dirigeant ses membres d'une main de fer. De son côté, Aaron prétendit ignorer les regards meurtriers des Aldiens.

Maïa, qui s'épuisait de plus en plus, supplia ses amies de prendre une pause. Si l'affrontement devait éclater, aucun combattant ne pourrait y survivre sans manger et sans dormir. Alors, la Reine sonna l'arrêt des entraînements, et tous se rejoignirent près du feu.

Le festin avait un goût amer. La viande n'avait été chassée que la veille, et les épices séchées qui accompagnaient le repas n'aidaient en rien. Pourtant, le village n'avait jamais été aussi bruyant.

C'était comme un rassemblement d'adieux. Beaucoup savaient que la mort les suivait de très près, et peu d'entre eux survivraient à la guerre. Alors, les hommes embrassaient leurs femmes comme si c'était la dernière fois, et les parents enlacèrent leurs enfants comme s'ils n'allaient jamais les revoir. La pluie qui martelait la terre donnait à cette ambiance un effet morose, comme si la tristesse des Aldiens avait empli le cosmos de leur désespoir.

Halia ne décrocha pas un mot à Scarlet. Isolée, elle s'était assise près d'Ethan, mélangeant ses larmes salées aux trombes d'eaux qui tombaient du ciel.

Finalement, Scorpio était la seule à ne pas se soucier de l'avenir. Ce n'était pas surprenant. Abritée un peu plus loin, elle mangeait à sa faim — soit très peu — en espérant que personne ne viendrait la déranger.

Puis, la fatigue les assomma, et pour certains, les derniers rêves emplirent leurs songes.

La nuit tombée sur l'île, le noir envahit le village. Les torches ne pouvaient être allumées à cause du temps, alors Alda semblait couverte par les ténèbres.

Scarlet n'arrivait pas à dormir. Elle ne cessait de fixer le plafond de sa chaumière, dans laquelle elle ne s'était pas rendue depuis des lustres. L'odeur de chez elle aurait dû suffire à la consoler, pourtant, elle était torturée par ce qui l'attendait. Avait-elle fait les bons choix ? Avait-elle réuni assez de pièces pour gagner cette guerre ?

Considérant que Morphée ne se montrerait jamais pour la prendre dans ses bras, elle se leva de son lit. Janet et Jill dormaient à poings fermés. À cette vue, un sourire vint apaiser son cœur. Au moins, ses parents arrivaient à trouver le sommeil.

Le sol du pays était en piteux état. Des flaques d'eau disperses maquillaient le parterre de cratères çà et là. Protégée par le toit, elle resta plantée à observer son village. Un peu plus loin, elle remarqua qu'Halia s'était échappée de son intérieur. Maïa et Scorpio ne semblaient pas avoir envie de dormir non plus. Toutes les quatre, elles se jetèrent des œillades. Quelque chose les liait, c'était indéniable.

Le Phœnix Écarlate     -     [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant