Chapitre 26

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— Bougre ! Mais qu’est-ce qui m’a fichu ce truc dans les pattes ?

Nous regardâmes ce vieux bonhomme qui jadis, fut probablement le seul médecin du comté, maugréer et bougonner.

— Regardez donc ! Ils n’ont pas trouvé mieux que de m’installer des barres de maintien dans toute cette fichue baraque. J’ai l’impression d’être dans une maison de retraite ! Il manque plus que le déambulateur et je suis cuit ! Mes enfants, précisa-t-il. Surtout ma fille. Depuis que j’ai fait une petite chute l’année dernière, ils me croient incapable de faire un pas sans me prendre les pieds dans le tapis. D’ailleurs, ils ont retiré l’objet du délit. Alors les enfants ! Que voulez-vous au vieux Bill ? Jim m’a prévenu que deux personnes souhaitaient me rencontrer.

Je le regardai, maintenant amusée. Il était la copie conforme de mon Charlie. Brut de décoffrage, d’où une immense bonté se lisait sur son visage dont les yeux reflétaient l’intelligence. Derrière ses propos jovialement bougons, on sentait qu’il était reconnaissant envers sa tribu de toutes ses marques d’attention. Lui aussi me plut immédiatement. Je retrouvais un certain enthousiasme que je mis sur le compte de la remarque précédente de mon patron, mais également par la nature enjouée et dynamique de ce drôle de docteur. Contrairement à mon état semi-végétatif face aux rangers, je pris la parole avec une vitalité qui me surprit.

— Bonjour, Docteur Marcott. Tout d’abord, merci de prendre de votre temps pour nous recevoir. Voici Mark Logan… un ami. Je m’appelle Samuelle Lookwood. Nous sommes venus vous voir, car nous aurions des questions à vous poser concernant une ancienne affaire. Vous m’avez soignée il y a longtemps, et j’aurais besoin de votre aide afin d’obtenir des précisions sur ce qu’il m’est arrivé. J’ai disparu pendant quatre jours de la région il y a vingt ans. J’avais neuf ans.

Le vieux docteur ne réagit pas et son comportement me déstabilisa. Je m’attendais à ce qu’il fronce un sourcil, se gratte la tête, mais pas de rester impassible à me dévisager. Peut-être avait-il besoin d’informations supplémentaires. Après tout, cela s’était déroulé pas loin d’un quart de siècle en arrière et notre bon docteur n’était plus très jeune.

— Vous avez dû me soigner à une cinquantaine de kilomètres d’ici, pour une blessure à la tête.

— Une forte commotion pour être exact, ayant entraîné un traumatisme crânien. Je n’ai plus le pied très sûr, mais question mémoire, je suis incollable. Je n’oublie jamais un patient. Ne prenez pas mon silence pour un signe apparent de sénilité, Mademoiselle Lookwood, répliqua-t-il goguenard.

— Je ne voulais pas vous manquer de respect, m’excusai-je les joues en feu.

— Je l’ai bien compris, va ! J’aime bien taquiner les jolies femmes, termina-t-il non sans envoyer un regard plein de malice à mon patron.

Je préférai éviter ce dernier, persuadée qu’il abordait en cet instant, la même expression que le docteur Marcott.

— Alors jeune fille ! Que voulez-vous savoir exactement ?

— Tout !

— L’impatience de la jeunesse. Mais je comprends. Vous devez certainement être pressés. Vous avez fait du chemin pour venir jusqu’ici, et je présume que vous en avez encore à faire. Mais avant tout, j’aimerais que vous me rendiez un service, plutôt que vous m’accordiez une faveur.

— Bien sûr !

— J’aimerais voir comment les médecins de l’hôpital ont achevé mon travail. Pourriez-vous dégager votre tempe gauche ?

— … Oh !

— Je vois que ma requête vous embarrasse. Pardonnez-moi, ma demande était indélicate.

L'ombre D'une AutreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant