Chapitre 37

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— Hé ! Ça sert à rien de tambouriner contre cette porte. À part ameuter l’immeuble c’est tout c’que vous obtiendrez, lança une voix traînante tout à coup prise par une violente quinte de toux.

Une femme noire à laquelle il nous était impossible de donner un âge nous regardait avec méfiance, par l’entrebâillement de sa porte d’entrée. L’étage était à l’image de l’immeuble. Sale, détérioré, ayant depuis longtemps dépassé le seuil de l’insalubrité, dégageant une forte odeur d’urine et celle plus sournoise de l’insécurité. On entendait s’échapper des appartements voisins, les pleurs furibonds d’enfants, ou encore une radio qui braillait, certainement pour couvrir les cris hystériques d’une femme et ceux plus intimidants d’une voix masculine.

Mark avait tenté de me renvoyer vers la voiture, mais c’était sans compter sur ma détermination, même si je commençais à regretter mon choix. J’émis quelques doutes quant à l’exactitude de l’adresse du fameux Miller le journaliste, que Dex nous avait dénichée. Ce type ne pouvait pas avoir un portefeuille de vingt millions, ce qu’avait concédé Mark lorsque nous avions levé les yeux vers les murs décrépis. Cet endroit me donnait la chair de poule.

— Il est pas là ! ajouta la femme.

J’étais toujours en train de calmer les battements de mon cœur, que Mark réagissait déjà.

— Bonjour, Madame. Nous cherchons Ben Miller. Est-ce qu’il vit dans cet appartement ?

— P’t’être ben.

— Madame, intervint doucement Mark. Savez-vous quand Monsieur Miller doit revenir ?

— Pourquoi est-ce que j’vous l’dirais ?

— Rien, effectivement. Il semblerait que vous soyez la seule ici capable de nous aider. Si vous ne souhaitez pas le faire, nous pouvons repartir tout de suite. C’est vous qui décidez.

Après un court moment de réflexion, la proposition de Mark sembla la convaincre pour qu’elle reprenne, le visage soudainement crispé. Je restais toujours étonnée par la capacité de Mark à influencer les personnes en leur donnant le sentiment de contrôler la situation alors que c’est lui qui les dirigeait exactement là ou il le désirait.

— Celui-ci est rongé par le vice. Le Diable a depuis longtemps pris possession de son âme. Vous ne devriez pas vous frotter à ce Miller.

— Nous souhaitons juste lui poser quelques questions, après nous disparaîtrons de sa vie.

— Comme l’homme au joli costume ?

Je la regardai d’un coup plus attentive.

— Cet homme est passé il y a longtemps ? questionna Mark avec déférence.

— Oh ! Je n’ai plus ma mémoire des beaux jours…

— Est-ce que ceci aidera votre mémoire ? demanda Mark en glissant un billet dans l’interstice de la porte.

— C’est possible, hésita-t-elle en faisant mine de réfléchir.

Si je restais estomaquée devant cet échange, Mark ne cilla pas et lui glissait d’autres billets. Je n’aurais su dire ce qui me dérangeait le plus. Que Mark propose de l’argent ou que la vieille femme en réclame. Je me fis vite une raison. Nous avions besoin d’informations. La femme les détenait et nous avions simplement trouvé un arrangement qui satisfasse les deux parties.

— L’autre homme est passé deux fois. Il portait de beaux vêtements, sûrement très chers. Vous savez, comme on voit dans les publicités. Pas un pli sur son joli costume, les cheveux coupés au poil. Un grand monsieur, le visage aussi blanc que le mien est noir.

L'ombre D'une AutreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant