Le retour au ranch se fit sans encombre, dans un silence épuisé. Ce que nous étions également. Max nous interpellait en nous invitant à nous rendre chez Martha, qui avait préparé un repas de bienvenu. Nous en profiterons pour faire connaissance avec les ranchers, tout en gardant les propos de Mark en mémoire. Ils formaient une grande famille, dont chaque repas était partagé.
Je ressentis une certaine honte à entrer dans la maison dans mon état, couverte de boue. À ma décharge, les autres n’étaient guère mieux.
Martha nous accueillit chaleureusement, nous invitant à entrer sans nous soucier de nos chaussures crottées. Tous les jours, ses garçons, comme elle les nomma avec tendresse, revenaient dans des états bien pires. L’intérieur de la maison était tel que je l’imaginais. Leurs besoins paraissaient modestes. Ils ne vivaient que pour le Ranch. Le monde de la surconsommation semblait bien loin de leur mode de vie. Les murs n’étaient que rondins de bois. Une cheminée faite de pierres grises au fond de la pièce soutenait d’énormes cornes de bœuf. Des fauteuils de cuir, disposés devant, invitaient quiconque posait le regard à s’y asseoir et laisser les soucis de la journée derrière lui. Une longue table en chêne brut était placée au centre de la pièce. Cette maison était aux antipodes de celle de mon hôte et je m’interrogeai de nouveau brièvement sur lui. Quel rôle jouait-il ? Qui était-il ? Que faisait-il ici ?
Sur un bahut était alignée une multitude de photos. Si je ne pouvais distinguer les visages, il m’était aisé d’y comprendre, par les couleurs ternies de certaines, noires et blanches pour d’autres, ou encore jaunies par le temps, la vie au ranch depuis de nombreuses années.
La douce tranquillité des lieux nous procurait un sentiment de bien-être. Je me sentis immédiatement à l’aise et apaisée, avec ce même sentiment persistant de déjà vu dont la familiarité semblait exacerbée ce soir. Ce qui me troubla le plus fut le regard que je portais sur la pièce. Celui d’une redécouverte. Comme si je me réappropriais des lieux oubliés.
— Max, tu as vu dans quel état tu nous les ramènes, le gronda Martha interrompant, ainsi mes pensées.
— Le terrain est encore glissant et ils ont malheureusement goûté notre terre au sens propre du terme, ria Max.
— Tu es incorrigible. J’espère qu’il n’a pas été trop dur avec vous, les enfants, s’inquiéta Martha. Il y a des chances que Maggie lui tire les oreilles en vous voyant de toute façon.
— Max a été un guide parfait, la rassura Patrick. C’est nous qui étions indisciplinés.
Martha était une femme menue, à peine plus grande que moi. Sa fragilité apparente donnait envie de la protéger. Peut-être à cause de ses cheveux blancs ramenés en chignon, ou ses petites lunettes ovales cerclées posées sur ses joues roses. Sa voix douce était en harmonie avec son apparence, fragile et gracieuse. Elle dégageait une aura de délicate et de bienveillante. Martha nous invita à nous désaltérer, nous indiquant les grands pichets disposés sur la table.
— Alors, vous êtes Samuelle ?
— Vous pouvez m’appeler Sam si vous le voulez. Je vous remercie pour votre invitation. Cela vous donne du travail supplémentaire. Et vous n’avez pas l’air d’en manquer. J’espère que notre présence ce soir ne vous importunera pas.
— Bien sûr que non. C’est moi qui ai insisté auprès de Mark pour que vous veniez dîner. Je voulais à tous vous souhaiter la bienvenue au ranch, ainsi que dans notre région, et vous remercier pour votre travail.
— Oh ! Eh bien, nous ferons de notre mieux. Et c’est une délicate intention de votre part, sincèrement. Monsieur Logan se joindra à nous ce soir ?
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L'ombre D'une Autre
RomanceAvril 1996. Deux fillettes de neuf ans disparaissent à quelques heures d'intervalle. Melinda, dans l'état du Montana. Samuelle, dans celui du Wyoming. Seule Samuelle sera retrouvée quatre jours plus tard. Amnésique et souffrant de profondes contusio...