Chapitre 43

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— Samuelle. Ton téléphone !

Je mis trois longues secondes avant de comprendre, l’esprit en déroute, toujours perturbé par l’annonce de ma grossesse. Mon téléphone, oui. Je décrochai tel un automate. Vicki.

— Comment vas-tu ? On m’a dit que tu sortais de chez David et que tu n’avais pas l’air en pleine forme.

Cela ne faisait pas vingt minutes que nous étions de retour au ranch que la ville savait déjà.

— Bien. Juste un coup de fatigue. Je dois seulement me reposer, la rassurai-je. Et qui est le « on » ?

— Suzanne.

— Suzanne ?

Mark répondit en même temps que Vicki.

— La femme de Pete, l’aide-mécanicien.

Je secouai la tête, légèrement désabusée. Je n’avais croisé Suzanne qu’une fois, le jour du barbecue. Si je me souvenais difficilement d’elle, la réciproque était fausse. J’avais l’impression d’être un animal de foire dont on épiait les moindres faits et gestes. Je tentai de contenir mon agacement. Vicki n’y était pour rien, mais elle participait malgré tout au colportage des ragots. Alors, autant véhiculer une information qui tienne la route.

— Tu pourras dire à Suzanne que je vais bien. J’ai certainement présumé de mes forces en voulant faire croire que je pouvais suivre une équipe composée uniquement d’hommes au cœur même des montagnes du Montana.

Je jetai un œil vers Mark dont le regard se fit plus pénétrant. Mon Dieu ! Soupçonnait-il quelque chose ? Non. C’était tout simplement impossible. Mais je lui avais répété à de nombreuses reprises que j’étais tout à fait capable d’effectuer ce travail, et aujourd’hui, j’admettais m’être trompée et reconnaissais enfin ne pas être à la hauteur… Ce qui le mit en colère lorsque je raccrochai.

— On sait tous les deux que c’est faux, Samuelle. Mais je te remercie de n’avoir rien dit à propos de Melinda.

— C’est mieux que tout le monde pense que je n’avais pas les épaules pour. Suzanne se fera un plaisir de mettre les choses au clair.

— Suzanne est la pire commère de la ville. Tu ne pouvais trouver meilleur porte-parole, jolie nymphe.

Je travaillais sur mon rapport le reste de l’après-midi. D’orienter mon attention me permit d’oublier un instant les événements des dernières vingt-quatre heures. J’envoyai le tout à Mark qui revint vers moi une heure plus tard. Il avait revêtu son masque d’employeur, ce que j’oubliais qu’il était aussi. De notre travail dépendait l’avenir d’une région. Je ne pus cependant m’empêcher de le couvrir d’un regard appréciateur lorsqu’il agissait ainsi. Son charisme, son professionnalisme, son attitude à la fois ferme et juste le rendait incroyablement séduisant. Il prit la parole, le timbre de sa voix changeant ostensiblement lorsque nous parlions travail. L’équipe reviendrait dans trois jours comme convenu, mais ce serait son dernier voyage. Ils ne resteraient que quelques jours, le temps d’achever les analyses de leurs diverses recherches en cours, les éléments récoltés sur le terrain depuis maintenant onze semaines étaient suffisants pour clore le dossier. Mark me demanda combien de temps il me faudrait pour boucler définitivement le dossier de façon à l’envoyer aux autorités compétentes. Je n’avais qu’une synthèse à faire des deux mois et demi écoulés, cela signifiait donc que dans un peu moins d’une semaine, ma mission au ranch se terminerait… et que je n’aurais plus rien à faire ici. Mon cœur se serra, comme s’il faisait des petits tours sur lui-même. Mark perçut mon malaise, car il changeât instantanément d’intonation pour planter un baiser léger sur mes lèvres. Sept jours, et après… ?

L'ombre D'une AutreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant